La sérendipité, c’est le hasard qui fait bien les choses. La synchronicité, c’est l’idée que ces bonnes choses n’arrivent pas par hasard. Deux concepts très proches mais à la portée spirituelle pourtant bien différente.
Pour les plus rationnels d’entre nous, les coïncidences ne sont que des coïncidences, des coups de chance, des heureux hasards. Pour d’autres, plus spirituels, les coïncidences n’arrivent pas pas hasard, elles sont des messages envoyés par l’univers. Et pour qui sait les écouter, elles nous guident sur le chemin de notre accomplissement.
Sérendipité, une définition
On pourrait résumer la sérendipité à un heureux hasard. On cherche quelque chose et, sur la route, on trouve autre chose, qu’on ne cherchait pas mais qui nous apporte bien plus que ce qu’on cherchait. C’est par exemple Christophe Colomb qui cherche à rejoindre une terre connue et en trouve une encore inconnue (en tout cas de lui et des européens) en chemin, ce qui changera pour toujours la course du monde.
Un heureux hasard
En anglais, le mot serendipity désigne le fait de faire des découvertes. Un mot tiré du conte Les 3 princes de Serendip. Ce conte raconte l’histoire de 3 princes du Royaume de Serendip, ancien nom du Sri Lanka, qui se lancent dans une quête les amenant à parcourir le monde. En chemin, le hasard leur fait faire de nombreuses découvertes qui n’ont rien à voir avec leur mission et semblent n’avoir aucun lien entre elles. Jusqu’à la fin du conte où ces indices prennent tout leur sens et sauvent la vie des 3 princes.
De nombreux exemples de sérendipité ont conduit à des découvertes majeures. Ainsi, Alexander Fleming découvrit la pénicilline après avoir oublié ses boîtes à culture avant son départ en vacances. A son retour, il fut surpris de constater qu’une certaine forme de moisissure avait empêché la prolifération des bactéries. De même, le post-it, l’aspirine, les corn flakes ont été découvert par hasard voire par erreur.
Lâcher prise
La sérendipité c’est aussi le fait de trouver ce qu’on a longtemps cherché au moment où on ne le cherche plus. On voit souvent ça dans les séries policières : l’enquêteur planche des heures sur une enquête sans parvenir à la résoudre, il finit par laisser tomber pour aller déjeuner avec un ami et au cours de la conversation, alors qu’ils parlent de toute autre chose, l’ami dit quelque chose qui sera comme une illumination et permettra à l’enquêteur de trouver la solution. Cela illustre bien la nécessité de lâcher prise, de faire taire le mental pour laisser l’intuition travailler.
Le hasard, diront certains. La sérendipité. Le destin, répondront d’autres. L’enquêteur a été guidé par une force supérieure qui l’a amené à cesser son travail pour aller voir son ami : il fallait qu’il trouve la réponse, son ami a simplement servi de messager. Cette idée de hasard qui n’en est pas porte un nom : la synchronicité.
Synchronicité, une définition
C’est le psychiatre Carl Jung qui a, le premier, formalisé le concept de synchronicité dans les années 30. Il s’agit pour lui de « l’apparition simultanée d’événements qui semblent être étroitement liés mais qui n’ont aucun lien de causalité visible ».
Pour illustrer ce concept, Carl Jung évoquait l’histoire d’une de ses patientes dont la thérapie stagnait depuis un moment. Lors d’une séance, elle lui avait raconté un rêve où elle recevait en cadeau un bijou en forme de scarabée. Au même moment, un scarabée s’était posé contre la vitre du bureau, cherchant à y entrer.
Simple coïncidence ou signe manifeste du destin ? Nul ne le saura jamais, toujours est-il qu’il sembla évident à la patiente comme au psychiatre que ce ne pouvait être le fruit du hasard et qu’il y avait là matière à analyse. Cela donna donc un nouveau souffle à la thérapie.
D’autres exemples de synchronicités peuvent apparaître au quotidien. Par exemple, vous cherchez un plombier et un camion de plombier passe justement devant vous dans la rue. Vous vous posez une question précise et la réponse vous est fournie comme par magie en allumant la radio. Vous pensez très fort à une personne et cette personne vous appelle justement alors que vous n’aviez pas eu de ses nouvelles depuis un moment.
La synchronicité, c’est un alignement, une parfaite synchronisation entre nos pensées et la réalité qui advient. L’idée du monde s’accordant à nos besoins, de l’univers nous apportant les réponses que l’on cherche, à condition de savoir l’écouter.
Mais d’où viennent ces coïncidences ?
Pour les rationnels, le hasard, rien que le hasard.
En France, on est particulièrement fermé à la spiritualité. Nous ne parlons pas ici de religion mais bien de spiritualité, c’est-à-dire de l’idée même que quelque chose existe en-dehors du visible et de la matière, peu importe le nom qu’on lui donne ou la manière dont on se le représente.
Or, au « pays des lumières », on est très terre-à-terre et pour beaucoup, la simple idée qu’il puisse exister une force créatrice invisible est risible et ridicule. Ne parlons donc même pas d’êtres de lumière qui nous enverraient des messages en forme de coïncidences. Ceux qui croient à ces trucs-là sont des doux-dingues, des perchés. Comment peuvent-ils imaginer des choses pareilles alors qu’il suffit de lever les yeux pour voir qu’il n’y a rien au-dessus de nos têtes, rien que le vide intersidéral de l’univers infini constitué d’un amas de matières issues du big bang ?
Ainsi, l’univers n’a aucun sens, aucune conscience et de même qu’il n’y avait rien avant la vie et qu’il n’y aura rien après la mort, il n’existe aucun être supérieur pour nous guider depuis le ciel. Ces heureuses coïncidences, appelez-les synchronicités si ça peut vous faire plaisir, ne sont que des coïncidences. Rien à en dire si ce n’est que c’est éventuellement amusant. Et encore, ça supposerait qu’on prenne le temps de s’y attarder, or on n’a qu’une vie, il s’agirait de ne pas la gaspiller en futilités, soyons sérieux 2 minutes.
L’existentialisme et la mauvaise foi
Pour Sartre, vouloir s’en remettre à ces signes, ce serait même de la mauvaise foi, de la lâcheté, une vaine tentative de refuser l’inaltérable liberté qui vient avec la condition humaine. Car oui, qu’on le veuille ou non, on est irrémédiablement libres et seuls face à notre destin. Même si on décide de ne pas exercer cette liberté, c’est encore un choix. S’en remettre à des soi-disant signes pour faire un choix, c’est fuir ses responsabilités. Ce serait même dangereux car quand bien même ces signes existeraient, nous les interpréterions avec notre mental, nos biais, nos petits arrangements avec notre conscience. On aurait donc toutes les chances de les mésinterpréter et de se tromper.
Aucun doute possible ?
Dans ce culte voué à la rationalité, il n’y a aucune place pour le doute. Ce qu’on ne voit pas n’existe pas et tout peut s’expliquer rationnellement. Et qu’importe que les raisons scientifiques invoquées pour expliquer certains phénomènes paranormaux vécus par des milliers de personnes de par le monde (synchronicité mais aussi rêves prémonitoires, expériences de mort imminente, médiumnité, transes chamaniques, endroits hantés) soient bien peu convaincantes.
Rien ne peut faire douter un scientiste, cette attitude philosophique qui considère que seule la science permet d’accéder à la connaissance et qu’elle seule peut suffire à résoudre tous les problèmes philosophiques. Ces témoins du paranormal ont menti, triché, halluciné, abusé de substances ou doivent souffrir d’une maladie mentale. Il ne peut en être autrement. Et on comprend ce besoin de vivre dans un monde tangible, explicable et prévisible, c’est éminemment rassurant pour qui veut pouvoir tout planifier et contrôler.
Mais n’est-il pas un peu ennuyeux, aussi, ce monde de certitudes ? Ne manque-t-il pas un peu d’humilité, d’ouverture d’esprit et de poésie, aussi ? Qui sommes-nous pour prétendre tout savoir, tout comprendre ? Quelle part cela laisse-t-il à l’inconnu, au mystère ou tout simplement à l’intuition ?
Au-delà du visible
À l’inverse, certaines personnes n’ont aucun problème avec l’idée d’un monde plus complexe qu’il n’en a l’air. Un monde métaphysique qui dépasserait de loin la matière. Ces personnes sont persuadées qu’il existe une force supérieure à l’origine de toute chose. Elles ont ce qu’on appelle la foi (on ne parle pas ici de religion mais bien de foi ; on peut croire en une force supérieure à l’origine de la vie sans pour autant s’en remettre à une religion et ses dogmes pour savoir quoi faire et quoi penser). Parmi ces personnes, il n’y a pas que des perchés, loin de là. De nombreux philosophes et scientifiques croyaient et croient en une force supérieure.
Voltaire écrivait ainsi : « l’univers m’embarrasse, et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. »
Descartes (qui a donné naissance au cartésianisme, courant rationaliste s’il en est) croyait également en Dieu, il a même écrit un livre pour prouver son existence, dans lequel il déclare par exemple : « Par le nom de Dieu j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute-puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont ont été créées et produites. Or ces avantages sont si grands et si éminents, que plus attentivement je les considère, et moins je me persuade que l’idée que j’en ai puisse tirer son origine de moi seul. Et par conséquent il faut nécessairement conclure de tout ce que j’ai dit auparavant, que Dieu existe. »
Einstein aussi était croyant et faisait très souvent référence à la spiritualité. Il écrivait ainsi : « La science sans la religion est boiteuse, la religion sans la science est aveugle » ou encore : « La plus belle émotion que nous puissions éprouver est l’émotion mystique. C’est là le germe de tout art et de toute science véritable… Savoir que ce qui nous est impénétrable existe vraiment et se manifeste comme la plus haute sagesse et la plus rayonnante beauté dont les formes les plus grossières sont seules intelligibles à nos pauvres facultés, cette connaissance, voilà ce qui est au centre du véritable sentiment religieux. En ce sens, et seulement en ce sens, je me range parmi les hommes profondément religieux. »
Rien n’arrive par hasard
De nos jours, le physicien Philippe Guillemant, ingénieur de recherche au CNRS explique que l’existence de l’âme et d’une vie après la mort sont des faits scientifiquement prouvables. Seulement voilà, le mode de pensée dans lequel nous sommes enfermés nous empêche de le concevoir. En somme, nous sommes bel et bien enfermés dans la caverne de Platon à regarder des ombres que nous prenons pour la réalité. Il a également beaucoup parlé des synchronicités, qu’il définit comme des « coïncidences hautement improbables qui défient les lois de la mécanique. » Mais comme sa pensée est complexe, je vous laisse la découvrir en détail ici :
Pour ceux qui croient en cette force invisible, de hasard il n’y a point. Si vous voyez des signes, c’est pour une bonne raison. Et c’est aussi la preuve qu’on est en lien permanent avec un monde supérieur. Car avant d’être des êtres de matières, nous sommes des êtres spirituels, des âmes qui viennent d’ailleurs, qui survivront à notre corps physique et retourneront d’où elles viennent. Ces synchronicités sont des messages qui nous sont envoyés depuis cet endroit pour nous guider.
Et pour répondre à Sartre et son procès en lâcheté, il convient de préciser qu’être guidé ne signifie pas être téléguidé. Pour ceux qui croient aux synchronicités en tant que messages de l’invisible, le but de la vie sur terre, c’est d’expérimenter un maximum de choses pour évoluer. Au fil de nos incarnations, on expérimente, on apprend, on grandit, on s’améliore. Or, pour que cela puisse être, la guidance doit respecter le libre-arbitre, c’est essentiel pour permettre aux êtres de tracer leur propre chemin. Les synchronicités sont juste des coups de pouce, des indices.
Par ailleurs, l’existence de synchronicités n’implique pas que tout soit écrit d’avance. Ces signes, c’est nous qui les percevons. C’est nous qui choisissons ou non d’en tenir compte. C’est toujours nous qui décidons. Le destin est moins à découvrir qu’à inventer.
Une citation de Henri Bergson
La rationalité pure n’existe pas
Enfin, n’en déplaise aux rationalistes forcenés, même les personnes les plus réfléchies ne prennent pas de décisions tout à fait rationnelles. Dans un billet intitulé, Cogitez si vous voulez, les décisions sont irrationnelles, publié sur le journal du CNRS, Thomas Boraud, neurobiologiste, explique :
« Vous pensez prendre vos décisions de manière optimale, vous basant sur des critères rationnels ? C’est en partie faux, et vous n’y pouvez rien. L’évolution a, en effet, préservé une part d’aléatoire dans les systèmes de décision de notre cerveau, ce qui ne présente peut-être pas que des inconvénients. »
Des études ont d’ailleurs pu démontrer qu’une décision jouée aux dès ne donnait pas forcément de moins bons résultats qu’une décision mûrement réfléchie, pour la simple et bonne raison que, toute réfléchie qu’elle est, cette décision sera pétrie de biais et d’automatismes qui interfèreront quoiqu’on en dise avec la rationalité pure.
Puisque nos décisions ne peuvent pas être tout à fait rationnelles,
pourquoi ne pas s’ouvrir à l’irrationnel et faire confiance à notre intuition ?
Ainsi, que l’on adhère ou pas à ces croyances, il reste que nos décisions comportent toujours une part d’irrationnelle. Dès lors, pourquoi ne pas l’accepter et s’en remettre volontairement à notre intuition ? Jouer le jeu des synchronicités, s’amuser à les repérer, les laisser nous guider. Pour cela, guettez les heures miroirs, les heureux hasards, les signes troublants cachés un peu partout. Lancez vos questions à l’univers comme des bouteilles à la mer et attendez qu’elles vous reviennent, ça ne manque jamais.
En revanche, ne vous y trompez pas, les synchronicités sont bien plus une question d’intuition que de hasard. Si vous les repérez, si vous les écoutez c’est parce que vous suivez votre intuition, ce qui n’est pas évident tant on est habitué, dans nos sociétés modernes, à écouter notre mental et à ne pas se fier à nos ressentis. Quand on accepte de s’ouvrir à d’autres possibles, qu’on guette les synchronicités, qu’on les décrypte en se faisant confiance, elles deviennent de plus en plus nombreuses, de plus en plus évidentes. Et on se retrouve, tel le petit Poucet, à sauter de signes en signes en regardant le chemin s’éclairer.
Cela ne signifie pas qu’il faut suivre aveuglément chaque signe qu’on croit percevoir. Ainsi que le disait Michka dans l’interview qu’elle nous a accordés : écoutez votre GPS interne, si votre cœur est ouvert aux changements proposés par le hasard, suivez-le, sinon abstenez-vous, interrogez-vous. Votre libre-arbitre est toujours là, faites-en bon usage, écoutez-vous, vous plus que n’importe qui d’autre. C’est toujours nous qui éclairons le chemin, nous qui tenons la lampe.
Chercher à donner du sens au monde qui nous entoure n’est pas irrationnel, bien au contraire. C’est le fait de partir du principe qu’il n’en a aucun et de s’y accrocher coûte que coûte qui est étrange. C’est d’ailleurs assez amusant de constater le sentiment de supériorité qu’ont les athées sur les croyants, persuadés d’être plus intelligents parce qu’ils ne croient pas à toutes ces balivernes, eux. Ils oublient que croire en rien, c’est toujours croire. Or en l’absence de certitudes, nos croyances sont tout ce que nous avons, autant en choisir des lumineuses, joyeuses et porteuses d’espoir.
Une vidéo à regarder pour en savoir plus sur les synchronicités :
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