Brunhilde vous emmène en voyage immobile dans les régions himalayennes, à la rencontre de peuples aux cultures ancestrales à travers les films et les photos de Virginie Seiller, photographe et réalisatrice. Au-delà de la beauté époustouflante des régions visitées, c’est le quotidien de ces peuples vivant hors du temps qui frappent dans ses reportages : la dureté de leur vie mais aussi la solidarité, la spiritualité, l’esprit de communauté et la beauté fascinante de ces cultures méconnues.
Cela fait plus de 20 ans que Virginie parcourt le monde à la rencontre d’ethnies vivant dans des régions reculées d’Asie, en Chine, au Népal ou en Inde. Sa passion du voyage et de la photographie, elle les a reçues en héritage et après avoir mené une vie de graphiste plus sédentaire durant quelques années, elle a choisi le statut d’indépendante pour s’y consacrer pleinement, avec une prédilection pour les destinations lointaines et reculées où l’on vit hors du temps et de la société de consommation.
Ces dernières années, elle a vécu entre la France, où elle vit sur un bateau en région parisienne, et le Ladakh, une région de l’Himalaya indien où elle a réalisé plusieurs reportages et participé à différents projets artistiques. Depuis un an, privée de voyages, elle travaille sur des sujets plus personnels et artistiques, en lien avec sa vie sur l’eau. Brunhilde l’a rencontrée pour discuter de ses voyages, des pays visités, des rencontres et des expériences vécues lors de ses périples. Une vie de liberté et d’exploration qui donne une furieuse envie de larguer les amarres pour aller découvrir d’autres réalités.
Comment t’es venue cette passion pour le voyage et la photo ?
La photo, j’en fais depuis que je suis enfant, mes parents m’avaient offert un appareil quand j’étais petite et je me rappelle que je l’emmenais partout. J’ai toujours vu mon père et mon grand-père prendre des photos. Mon arrière grand-père, que je n’ai pas connu, faisait aussi de la photo donc c’est vraiment un truc de famille. Quand j’étais petite je tenais un journal de la maison, je dessinais et j’écrivais des articles, je le faisais en plusieurs exemplaires et je le revendais à mes parents. Je faisais aussi des expositions de dessin dans ma chambre.
Plus tard j’ai fait une formation de graphiste et j’ai exercé ce métier pendant longtemps dans des agences de communication parisiennes tout en continuant à faire de la photographie. J’ai commencé à voyager vers 25 ans. Il y a aussi eu de grands voyageurs dans ma famille. J’ai une grand-tante qui a vécu en Indochine pendant 5 ans, un arrière-grand-père qui a vécu en Chine et au Moyen-Orient, un autre qui était dans la marine donc il y avait vraiment une tradition à la fois de voyages et de photos chez nous.
Le pont U-Bein, pont en tek de 1,2km dans la région de Mandalay, Birmanie
Qu’est-ce qui t’a amené à changer ton mode de vie pour voyager et faire de la photo ?
De par mon travail, je suis partie vivre à Hong-Kong quand j’avais 28 ans. J’ai eu une opportunité via la société dans laquelle je travaillais à Paris et qui devait aller s’implanter là-bas. Finalement le projet ne s’est pas monté mais la personne avec qui cela devait se faire m’a proposée de venir développer le département créatif de sa société là-bas. Donc au lieu de partir comme prévu avec tout le confort et la sécurité de l’expatriation, je suis partie seule avec ma valise et ça s’est super bien passé.
Par rapport à la France où tout est hyper cloisonné, là-bas il y a une véritable ouverture. C’est facile de rencontrer les gens, on te confie un projet et si ça marche on te fait confiance pour plein d’autres choses. En France, il faut passer par 150 intermédiaires, si t’as pas le bon diplôme, on ne te considère même pas alors qu’à Hong-Kong, on te juge sur ton travail. Du coup j’ai travaillé sur des projets extraordinaires pour de très belles marques, on m’a envoyé à Shangaï pour travailler sur le festival de jazz, j’ai monté de beaux projets évènementiels. Et puis ça m’a donné le goût du voyage parce que depuis Hong Kong c’est très facile de voyager. Donc j’ai pas mal sillonné l’Asie et l’Océanie : Singapour, l’Indonésie, le Vietnam, l’Australie…
Quand je suis rentrée en France, ça a été très compliqué. A Hong Kong je vivais sur une île donc j’allais au travail en bateau, j’avais un environnement de travail génial. A mon retour en France, je me suis retrouvée à travailler à Paris, en agence de communication, et le contraste a été vraiment très dur.
Et puis en 2001, je suis partie en Inde avec des copines. J’ai passé un peu plus de temps qu’elles et quand je suis rentrée, j’ai démissionné pour repartir là-bas avec mon compagnon de l’époque. Je ne voyais plus d’intérêt à la vie que je menais. Je bossais 14h par jour, tout ça pour quoi finalement ? La publicité, c’est un monde où on subit une pression de dingue alors que bon, on sauve pas des vies non plus ! Et puis je ne me sentais pas utile et j’avais l’impression que je n’étais pas à ma place. On a donc passé 6 mois en Inde et au Népal. On a commencé par un long trek au Népal puis on est descendu petit à petit vers le Sud : Karnataka, Kerala, Tamil Nadu, Goa, etc. C’était un superbe voyage, j’y ai pris des centaines de photos, argentiques à l’époque.
Pélerinage de KumbhMela, en Inde
Tu as passé pas mal de temps en Chine où tu as réalisé 2 films dans les montagnes, qu’est-ce qui t’a amenée là-bas ?
J’y suis arrivée par le biais d’une française, Françoise Grenot-Wang, qui vivait avec l’ethnie Miao dans des régions reculées de Chine. Elle était rentrée en Chine par le biais de Médecins sans frontière, comme interprète, et s’était établie là-bas, après plein de péripéties avec les autorités chinoises elle est restée malgré tout et avait monté une ONG, Couleurs de Chine, pour récolter des fonds pour que les petites filles puissent aller à l’école. J’avais fait une formation en audiovisuel et je voulais faire des films documentaires. Je suis donc allée avec elle au sein de cette ethnie pour réaliser un film pour son association.
Province du Guizhou, Sud de la Chine
Il y a plusieurs branches chez les Miao, je suis allé chez les Miao noirs, ce sont les plus rebelles à la sinisation. Ils vivent vraiment à l’écart et le gouvernement chinois les laissent relativement en paix, parce qu’ils vivent loin des villes et qu’ils n’ont pas de revendication, ni de leader.
Ce premier film s’appelait « Peng Sai une petite fille Miao », il raconte la vie de cette enfant du village de Gaoliao. Sa mère est partie quand elle avait 8 ans parce qu’elle trouvait la vie trop dure. La fillette a dû trouver des femmes pour allaiter son petit frère d’un an. Son père était trop pauvre pour payer l’école mais elle a reçu le parrainage de l’association Couleurs de Chine. Le film sert notamment de support à l’association.
Pour ton deuxième film, Le livre du Ciel, tu t’es intéressé au rôle des chamanes dans ces ethnies. Quel rôle jouent-ils dans ces communautés ?
Chez les Miao il y a une tradition chamanique très forte et mon angle, c’était la transmission de la culture Miao à travers les chamanes. Ce sont vraiment les sages de ces villages. Ils sont passeurs de culture, médecins de l’âme et du corps. Ils prennent donc en compte tous les aspects de la vie des personnes pour les soigner.
Filmer la vie des Miao
Mais ce qui m’intéressait surtout, c’était de filmer cette minorité qui a une tradition orale mais pas d’écriture. Je voulais comprendre la transmission de la culture, qui se fait par le biais des chamanes, des conteurs, mais aussi des scènes de vie et des légendes brodées sur les magnifiques costumes teints à l’indigo des femmes Miao. Mon film raconte la quête d’une stèle de pierre sur laquelle serait inscrite la table de loi Miao et qu’ils appellent le Livre du Ciel. On y suit donc un chaman qui nous amène à la rencontre des Miao.
Le film est passé dans pas mal de festivals, au musée Guimet à Paris et sur Ushuaïa TV pendant quelques années, il a eu également le 1er prix du festival du film chamanique en 2015.
Françoise est décédée en 2008 mais j’y suis retournée après sa mort. Je leur ai montré le film et je leur ai laissé des DVD. Les conteurs étaient ravis parce que dans le film, je raconte certaines de leurs légendes. Ils étaient très touchés que je fasse autant de kilomètres pour les filmer et raconter leur culture. En revanche, après moi une équipe de télévision est allée là-bas dans le cadre d’une série documentaire sur la beauté dans le monde, parce que les Miao ont vraiment une culture magnifique, avec des costumes traditionnels et les coiffures des femmes spectaculaires. Mais ça ne s’est pas bien passé, les équipes leur faisaient refaire plusieurs fois des scènes et apparemment ils ont été assez désagréables avec eux. J’y étais retournée peu après et les habitants avaient été choqués par l’attitude de cette équipe.
Ce genre d’émission peut être assez néfaste. On s’arrange du réel en cachant télévisons et antennes satellites, on fait porter aux gens des costumes réservés aux cérémonies et n’apparaissent à l’écran que gens « triés sur le volet », cela crée des tensions et des jalousies qui n’existaient pas dans les communautés…
Je suis le plus souvent partie seule, et me suis attachée à me fondre dans la vie des gens, passer assez de temps pour finir par faire partie du décor et pouvoir capter des tranches de leur vie, sans pour autant les déranger dans leurs habitudes.
Cérémonie de transe dans le village de Yenhwo, province du Guizhou
Après ces 2 films, tu as choisi de te consacrer à la photo, tu penses exprimer plus de choses par ce biais ?
J’adore filmer mais je préfère l’instantanéité de la photo. Je m’y retrouve plus et cela me permet de capter des moments fugaces, des regards, des attitudes, et on peut raconter plein d’histoires avec les photos aussi. C’est ça qui m’anime : j’adore que l’on me raconte des histoires et j’adore en raconter.
A part la Chine, j’ai continué à beaucoup voyager. J’ai pris le transsibérien en 2004. Je suis partie 4 mois toute seule avec mon appareil photo, de Moscou à Bangkok en ne prenant que des trains, des bus et des charrettes. A l’époque je pratiquais le Kung Fu et je suis allée faire un stage dans la vile de Dengfeng, qui comptait à l’époque près de 60 écoles de kung fu, près du temple de Shaolin donc j’en ai profité pour aller faire des photos du temple et dans des écoles de Kung Fu. J’ai pas mal sillonné la Chine, après avoir traversé la Sibérie, la Mongolie, puis le Laos, la Birmanie et la Thaïlande. Quand je suis rentrée en France ça a été très dur de me réadapter, d’être enfermée, devant un bureau, de prendre les transports, donc je suis repartie, c’est devenu mon mon mode de fonctionnement, rentrer et repartir.
Jeunes moines dans un monastère, Birmanie
Tu as passé beaucoup de temps en Inde et réalisé plusieurs reportages là-bas. Tu entretiens un rapport particulier avec ce pays ?
En 2015, il y a 6 ans, je suis partie au Ladakh, une région du nord de l’Inde entre le Pakistan et la Chine, au pied de l’Himalaya, et j’ai eu un vrai coup de cœur pour cette région qui s’est ouverte au tourisme en 1975.
Château Tsemo, Leh, capitale du Ladakh
Ce qui m’a attirée là-bas, c’est vraiment la puissance des paysages, c’est très minéral. Et puis j’aime la culture, l’architecture, les gens, on appelle cette région le « petit Tibet ». C’est un climat très sec, à 3500m d’altitude à Leh, la capitale. Il fait chaud en été et l’hiver, les températures descendent jusqu’à -20°C, sans vraiment de chauffage dans les villages qui sont isolés pour certains, on y arrive par des pistes plutôt dangereuses pour nous, occidentaux habitués aux routes goudronnées. Il n’y a pas toujours de réseau, et dans ce cas le téléphone satellite du village le relie au reste du monde, le réseau 4G s’étend tout de même de plus en plus. Ils sont approvisionnés par les bus de la ville et vivent vraiment hors du temps. Je crois que c’est ça qui m’a plu.
Pourtant la ville de Leh s’est développée considérablement ces dernières années, misant tout sur le tourisme en construisant des guesthouses et ouvrant échoppes et agences de trek, au détriment des cultures. Le tourisme s’est effondré depuis la pandémie et il est difficile de savoir ce qu’il ressortira de cette crise mondiale dans ces régions qui vivent beaucoup du tourisme…
Une cérémonie, Ladakh
Ce qui est drôle c’est que j’étais partie là-bas pour faire un trekking mais le deuxième jour, je me suis cassée la cheville dans un village inaccessible par la route. On m’a redescendue à cheval le lendemain mais je n’ai pas voulu me faire rapatrier donc j’ai passé l’hiver là-bas, par -20°C dans un village très isolé. Ça m’a obligé à me poser, j’ai pu voir comment les gens vivaient et vivre à leur rythme, surtout quand il n’y a pas grand chose à faire à 3500 mètres d’altitude lorsque les récoltes ont été rentrées avant l’hiver. J’ai rencontré des gens extraordinaires et ce fut une expérience très enrichissante pour moi.
Quand je suis rentrée en France, je me suis fait enlever mon plâtre, et après la rééducation, contre l’avis de mon kiné, je suis repartie 2 mois plus tard. Il fallait que je retourne là-bas. A Leh, j’ai rencontré le directeur d’un centre artistique local qui m’a demandé si je voulais bien travailler avec eux. Je les ai formés sur photoshop, je les ai aidés à monter des expos, et pendant 3 ans, j’ai vécu là-bas 6 mois par an.
Quand on lit les écrits d’Alexandra David-Néel sur cette région du monde, elle parle beaucoup de spiritualité, de ce mélange de bouddhisme et de croyances ancestrales très présentes dans le quotidien des gens. Est-ce que tu as vu ça, là-bas, toi aussi ?
J’ai visité beaucoup de monastères, je me suis toujours beaucoup intéressée au bouddhisme mais là-bas, j’ai eu aussi un aperçu de ce qui se passe en coulisses et ce n’est pas très joli, enfin comme pour toutes les religions finalement, mais les occidentaux ont souvent tendance à placer le bouddhisme au-dessus.
Il y a notamment la Ligue bouddhiste association de Leh qui contrôle toute la ville et les alentours et c’est vraiment une mafia, dont le dirigeant s’est enfui en Inde l’an dernier, accusé de viol… J’ai assisté à des choses vraiment pas cool, notamment parce que cette ligue entend imposer sa loi à Leh et ses environs et à tout le monde, bouddhiste ou non. Quand ils décident du « dry day », personne ne doit vendre de viande ni d’alcool, même les boucheries musulmanes doivent fermer. J’étais là quand un musulman a refusé d’obtempérer et a laissé sa boucherie ouverte, il s’est fait tabasser et son échoppe a été détruite. C’est allé jusqu’au tribunal, ceux qui l’avaient agressé risquaient 5 ans de prison alors la ligue a fait fermer tous les magasins de la ville jusqu’à obtenir leur libération. C’est impressionnant de voir le pouvoir qu’ils ont.
Je suis allée écouter le Dalaï Lama qui vient une fois par an au Ladakh pour dispenser des enseignements gratuits dans les monastères et j’ai remarqué que lorsqu’il vient, les premiers rangs sont réservés aux occidentaux qui font de grosses offrandes, et sont assis sur des chaises alors que les Ladakhis qui donnent 100 roupies chaque jour, ce qui représente une bonne partie de leurs revenus, eux ils ont les fesses dans la terre.
Hemis Monastery, Ladakh
Et puis le système de castes existe aussi dans le bouddhisme, beaucoup ont du mal à l’admettre mais je l’ai vu, les bouddhistes de basse caste vivent dans le même quartier que les musulmans, c’est dire s’ils sont peu considérés… Donc, comme souvent avec les religions, tout ça est bien plus politique que spirituel et on est très loin des enseignements de Bouddha.
D’ailleurs il n’y a pas que là-bas que le bouddhisme pose problème, il suffit de voir le documentaire Le vénérable W, de Barbet Schroeder, sur ce moine birman qui incite à la haine raciale et à l’extermination des Rohingyas, les musulmans qui vivent en Birmanie, pour voir que ce n’est pas forcément la religion de paix qu’on nous présente. Et il y aurait également beaucoup à dire sur les abus sexuels, les viols des nonnes,…
Je voulais faire un sujet là-dessus mais on me l’a fortement déconseillé…Mais tout n’est pas noir non plus et il y a fort heureusement des gens extraordinaires que j’ai pu rencontrer, des monastères anciens perchés sur des pitons rocheux, ou cachés dans les montagnes, certains très anciens, comme le monastère Alchi Gompa, construit entre 958 et 1055, qui recèle des peintures anciennes fabuleuses qui recouvrent les murs des différents bâtiments qui composent le monastère.
Justement, tu as récemment fait un reportage sur les Dardes, un peuple qui vit dans une région reculée du nord de l’Inde, au Ladakh. Tu peux nous en parler ?
Je suis retournée sur le territoire darde pour la 3 e fois en octobre 2019. C’est une ethnie assez peu connue qui vit non loin du Pakistan. Cette région du Ladakh s’est ouverte en 2008. Pour s’y rendre, il faut un visa spécial, délivré depuis Leh ou la ville de Kargil, mais qui ne couvre pas les mêmes villages, et finalement une toute petite partie du territoire darde… J’ai pu l’explorer de façon plus approfondie grâce à des amis dardes et à un foulard savamment placé sur ma tête pour échapper à la vigilance militaire, très présente sur ce territoire proche de la frontière.
Article de Virginie Seiller paru dans le magazine Montagnes du Monde
J’ai fait un reportage sur cette ethnie qui a une culture fascinante. Ils ont des coiffes absolument magnifiques ornées de fleurs, notamment l’amour en cage, ou Physalis, que les dardes font pousser devant leur maison, des costumes décorés de coquillages, perles, pièces anciennes. C’est une population de 2600 habitants environ, répartis sur 9 villages. Ils vivent quasiment en autarcie. Les villages dardes semblent être figés dans le temps avec ses maisons traditionnelles faites de briques, de boue et de bois, accrochées à la montagne, on le traverse par d’étroits chemins en balcon. Il n’y a pas d’eau courante, comme dans le reste du Ladakh, on lave la vaisselle et on fait sa toilette à la source.
Ils organisent un festival tous les ans, le festival des moissons, en 2019 c’était dans le village de Dah, 212 habitants. J’ai passé du temps dans la famille de Dolley, jeune femme pétillante de 31 ans, déjà maman de 2 garçon de 14 et 16 ans. J’ai suivi leur vie, la préparation du festival, l’élaboration des coiffes et des costumes, les processions.
Avant le festival, l’homme qui incarne la divinité protectrice du village est en méditation depuis la nuit précédente, les femmes viennent apporter des offrandes au lever du jour à la Sapdak, la pierre sacrée du village qui se trouve non loin de lui. Le festival dure 5 jours pendant lesquels les hommes et les femmes se retrouvent sur la place du village où trônent 2 énormes noisetiers.
Les femmes de Dah attendent la fin du rituel des hommes avant de descendre sur la place du Festival Bonona, où se trouvent les 2 noisetiers
Ils font brûler du genévrier pour appeler les esprits. Les chanteurs du village chantent des chansons comme des mélopées en tournant autour des arbres jusque tard dans la nuit. Cela s’apparente un peu à une transe. Les chanteurs racontent l’histoire de leur héros mythique : Gil Singay. Il était le chef du peuple de Gilgit, sur le territoire de l’actuel Pakistan. Un jour, au cours d‘une expédition, il tira une flèche du haut de la montagne, elle atterrit plus bas, non loin de l’Indus, il décida alors de s’y établir et d’y construire le village de Dah, qui signifie « flèche ». Le dernier jour, les hommes jettent leurs fleurs pour rendre hommage à Gil Singay, après sa mort.
Danse des hommes au Bonona Festival
Est-ce une ethnie de confession bouddhique ?
Ils ont été convertis au bouddhisme il y a 400 ans mais ils ont gardé une tradition animiste en lien avec les esprits qui est encore très présente. Par exemple à l’entrée des villages, il y a encore les ossements des ancêtres pour protéger le village. Il se raconte qu’ils pratiquent encore certains rites et sacrifices d’animaux mais is ne veulent pas en parler, il me faudra encore quelques voyages là-bas pour avoir des informations !
Il y a quantité de croyances, légendes, esprits au Ladakh, la vie est rythmée par la religion et ces croyances… On m’a emmenée au bord d’un petit lac sacré un jour, entouré de multitude de drapeaux de prières, on raconte que certains visiteurs y voient la ville de Lhassa (capitale du Tibet) s’y refléter parfois…
Vallée de la Nubra, Ladakh
Tu es rentrée fin 2019 en France et depuis, tu n’as pas pu repartir à cause de la situation sanitaire. Comment vis-tu le fait d’être coincée ici ?
Bien sûr, ça me manque parce que j’ai envie de voyager mais j’en profite pour faire des reportages autour de chez moi, j’ai (re)découvert les bords de Marne, où je vis et j’ai développé une façon différente de photographier.
J’ai aussi fait pas mal de photos pendant les récentes manifestations contre la loi de sécurité globale. Je suis assez préoccupée par le recul des libertés effarant que cette crise révèle, la culture reléguée à l’arrière plan, sans compter les inégalités de plus en plus grandes et les jeunes générations qui vont payer les conséquences de cette pandémie pendant des années sûrement…
Je travaille en ce moment sur un sujet qui me touche de près car il s’agit de l’environnement où je vis, à savoir sur l’eau et il y a plein de choses à raconter ! Nous sommes dépendant de la nature, comme l’a montré la récente crue, et des saisons. Nous sommes une quarantaine à vivre sur nos bateaux et ça m’intéresse, les vies communautaires. On a une petite association au port, un groupe WhatsApp pour se tenir au courant et communiquer. Il y a une certaine solidarité entre nous. Cela faisait longtemps que je voulais le faire et je ne passais jamais une année entière au port. Là, c’est l’occasion !
Je travaille aussi sur des projets artistiques. D’habitude je fais plutôt des reportages, là je fais des choses plus intimistes, je travaille le monde du végétal, la lune, les nuages, les arbres, les reflets, aussi. C’est très poétique et mystérieux, les reflets, comme des mondes parallèles, et ça, ça me fascine…
Pour continuer à voyager, vous pouvez suivre Virginie sur son site ainsi que sur Instagram !
Les films et les photos présentés dans cet article sont la propriété de Virgine Seiller, à l’exception de la photo de présentation réalisée par Juliette Jem. Toute reproduction sans autorisation est interdite.
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