Il faut prendre garde aux petits renoncements. Ces rêves qu’on cesse de poursuivre, ces envies qu’on oublie, ces promesses faites à nous-mêmes qu’on trahit. Toutes ces petites choses qu’on abandonne en cours de route, qui nous semblent anodines mais qui nous amènent pourtant, petit à petit, à vivre une vie qui n’est pas la notre.
Choisir un métier pour ne pas décevoir, dire oui parce qu’on n’ose pas dire non, faire des trucs auxquels on ne croit pas par paresse intellectuelle, dire des choses qu’on ne pense pas ou dont on n’est pas très fier par peur du rejet, accepter de jouer un rôle qui ne nous correspond pas pour faire comme tout le monde. Toutes les petites lâchetés, les trahisons qu’on s’inflige à soi-même, ces trucs qui ne nous ressemble pas mais qu’on fait quand-même. On en a tous dans notre escarcelle.
Est-ce grave ? Pas forcément.
Sauf si ces petits renoncements s’accumulent au point de nous éloigner de nous-mêmes. Au départ, on sent à peine leur influence sur notre trajectoire. On sait exactement où on veut aller, on a des rêves immenses qu’on ne perd pas de vue, on connaît la route à emprunter pour les réaliser. Mais chaque petit renoncement nous fait légèrement changer de direction, sans même qu’on s’en rende compte, on tourne légèrement à droite, puis un peu plus, on fait une embardée à gauche… jusqu’à suivre une route qu’on n’a pas choisie et qui ne nous amène pas du tout là où on avait envie d’aller.
Devenir sage
L’idée qu’il est normal de renoncer à ses rêves une fois adulte semble communément admise. Devenir responsable, c’est cesser de suivre son cœur et s’en remettre à la raison, s’en tenir à la dure réalité, oublier les choix fantasques, les envies farfelues, les projets bizarres. Les doux rêveurs vivent dans l’inconfort et l’insécurité. À partir d’un certain âge, il faut donc laisser les chimères, revenir sur terre, se ranger, se stabiliser.
On ne pense même pas à faire autrement. Il en a toujours été ainsi. Au point qu’on n’arrive même plus à savoir ce qu’on veut vraiment, ce qu’on a envie de vivre, ce qu’on a envie de faire, qui on est sous toutes les couches de conditionnement. La voie toute tracée éclipse toutes les autres.
Qu’avons-nous fait des autres possibles ?
Tous les possibles sont ouverts mais devenir sage consisterait à y renoncer pour n’en choisir qu’un qui serait le même que tout le monde ? Quel gâchis. Il existe pourtant plein d’autres vies potentielles. Le champ des possibles est immense, c’est notre peur qui nous empêche de les explorer, de les réaliser. Il ne tient qu’à nous de changer de costume, d’aller jouer ailleurs avec d’autres acteurs, de réécrire une pièce dans laquelle on jouerait enfin le rôle de notre vie.
Faire taire le bruit du monde et, dans le silence, revenir à soi.
Voici donc la résolution de Brunhilde en ce mois de janvier si particulier : faire taire le bruit du monde et, dans le silence, revenir à soi. Vivre en accord avec soi-même, peu importe où ça nous mène. Ne pas se contenter, ne pas se conformer, ne pas se laisser porter par la foule. Prendre du recul, vivre loin de ceux qui veulent nous dire quoi faire, quoi penser, comment vivre, qui aimer. Couper le son de leurs injonctions. Leur préférer le bruit de la vraie vie.
Oser le silence aussi, pour écouter ce que notre âme a à nous dire : jouons-nous notre propre rôle ou celui de quelqu’un d’autre ? Vivons-nous en accord avec nous-mêmes ou y a-t-il des points de douleurs, des malaises, des hontes, des regrets, des parties de notre costume qui nous pèse, qui nous gratte ? Que pensons-nous vraiment ? Que dirions-nous si on ne craignait pas d’être jugé ? Si on pouvait, si on n’avait pas peur, qu’est-ce qu’on ferait différemment ?
On vous souhaite une année où tout change pour le mieux, une année sans peurs, avec de la joie, de la légèreté et de la liberté retrouvée. Une année pour vivre votre vraie vie.