Noël n’a pas toujours été la fête que l’on connaît aujourd’hui et le Père-Noël est bien plus qu’un personnage jovial et ventripotent tout droit venu du pôle nord, qui parcourt le monde le temps d’une nuit pour offrir à chacun cadeaux et chocolats. Nous allons vous raconter l’histoire vraie de Noël…

Depuis des millénaires, dans de nombreuses régions du monde, le mois de décembre est le théâtre de rites et de célébrations liées à la lumière. Différentes cultures et religions ont contribué, à travers les âges, à créer l’esprit de Noël, à la croisée des chemins entre paganisme et chrétienté.

Aux origines, les fêtes du solstice d’hiver

Yule, le début d’un nouveau cycle

Avant d’être une fête chrétienne, Noël était un rite païen qui célébrait le solstice d’hiver. Une fête appelée Yule en Scandinavie, mot signifiant ‘roue’ en vieux norrois, langue commune aux pays scandinaves durant l’âge des vikings. C’était l’une des 8 dates importantes ponctuant l’année dans les cultures nordiques. Chacune correspondait à un moment-clé du cycle des saisons et donnait lieu à des célébrations. Nombre de ces fêtes font encore partie de nos traditions, on a simplement oublié leurs origines car des religions plus récentes se les sont réappropriées. C’est le cas par exemple de Samhain, le nouvel an celtique fêté le 31 octobre, juste entre l’équinoxe d’automne et le solstice d’hiver.

Ancêtre de la Toussaint, Halloween ou jour des morts au Mexique, cette fête marque l’entrée dans l’hiver. Au nord de l’Europe à partir de novembre, le soleil disparaît et l’obscurité règne pour quelques semaines. Selon les croyances ancestrales, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, la frontière entre le monde des morts et le monde des vivants est ouverte. L’âme du soleil monte au ciel, elle ne redescendra que quelques semaines plus tard, lors du solstice d’hiver, date à partir de laquelle les jours commencent à rallonger : c’est la renaissance du soleil.

Une fête de la lumière et de la paix

Yule a donc lieu le jour du solstice d’hiver, le 21 décembre dans l’hémisphère nord. C’est le jour le plus court de l’année. Étymologiquement, le mot solstice signifie ‘le Soleil s’arrête’. De fait, lors des solstices, l’axe de la Terre atteint son inclination maximum avant de repartir dans la direction opposée. On est arrivé au bout d’un cycle, on en commence un nouveau. Le 21 décembre, le soleil va donc renaître après avoir décliné pendant de longs mois. Mais avant, tout s’arrête un instant. C’est la paix de Yule, reprise par les chrétiens avec la trêve de Noël.

Yule c’est donc la victoire de la lumière sur l’obscurité. Une légende celte relate d’ailleurs la bataille entre le Roi Chêne (Oak King) et le Roi Houx (Holly King) dont le roi Chêne est sorti victorieux. Le jeune Roi Chêne symbolise la lumière qui éclipse le roi Houx, symbole de l’obscurité. Le concept même de nativité, qu’on a par la suite relié à la naissance de Jésus, est en réalité une référence à cette renaissance du soleil et de la lumière. Les décorations et les célébrations de noël tournent d’ailleurs souvent autour de la lumière : bougies, lumières dans les rues, feux de joie, sapin éclairé, etc.

Roi chêne et Roi Houx par Anne Brokes

L’arbre de noël

Comme de nombreux symboles de noël, l’arbre décoré nous viendrait aussi des cultures nordiques. Ce serait une référence à Ygdrassil, l’arbre-monde dans la mythologie nordique, un arbre sacré qui prend appui sur l’axe de la terre et monte vers le ciel. Cet arbre relie 3 mondes : Ásgard, le monde des Dieux, Midgard, le monde des humains et Niflheim, le monde de l’obscurité. Ses racines sont ancrés dans le monde obscur tandis que ses branches sup­portent la voûte céleste et constitue un passage entre le royaume des Dieux et la terre. Lors de Yule, le soleil revient sur terre par ce passage (tout comme le père-noël descend par la cheminée). Il s’agirait d’une métaphore : l’âme du soleil, après avoir quitté le monde des humains pour rejoindre celui des Dieux le 1er novembre, redescend dans le monde des humains via l’arbre-monde.

 

L’étoile au sommet du sapin fait quant à elle référence à l’étoile polaire qui fait partie de la constellation de la petite ourse, constellation qui ressemble étrangement au traîneau du père-noël. Ensemble, l’arbre et l’ours portent le monde, comme Atlas.

Il faut attendre plusieurs siècles avant de retrouver cette tradition en Europe. Vers 1520, les premiers arbres de noël décorés font leur apparition en Alsace quand les habitants de la région commencent à couper les arbres encore verts de la Saint-Thomas pour les orner de confiseries et de pommes, en référence à Adam et Eve. Certains attribuent aussi à Luther la décoration du premier arbre de noël avec des bougies, symbole de la lumière du Christ. Mais en 1933, le journal du Vatican renie son caractère chrétien à l’arbre de noël, déclarant qu’il s’agit là d’une coutume païenne.

Le Père Noël

Il a lui aussi une origine incontestablement païenne. Certains relient le personnage du Père-Noël à la mythologie nordique et à certaines divinités qui profitaient du solstice d’hiver pour récompenser leurs adeptes les plus fervents. Il pourrait être l’incarnation du Dieu Thor, représenté comme un vieil homme habillé en rouge et portant une barbe blanche qui se déplaçait sur un char tiré par des boucs. Il pourrait également avoir été inspiré par le Dieu Odin, son fils, qui chevauchait Sleipnir, un cheval à 8 pâtes qui n’est pas sans évoquer les 8 rennes du père-noël.

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On peut aussi le rapprocher de croyances gauloises. Dans le panthéon des Dieux gaulois, Belen était LE grand Dieu solaire, père de Gargan, un Dieu plus proche de l’homme et de la nature. L’ethnologue Arnold Van Gennep voit dans le père-noël la réminiscence de ce Dieu celte qui portait une hotte et des bottes. Pour d’autres, il s’agirait du dieu Belen lui-même. D’autres encore voient dans le père-noël un symbole d’Apollon conduisant le char du soleil, qui parcourt la terre pour répandre la lumière. On voit donc que quelque soit les cultures, le lien avec le soleil est toujours présent : le père-noël est celui qui ramène la lumière sur terre.

Les cadeaux

Le soir de Noël, le père-noël descend par la cheminée pour apporter des cadeaux. Ces cadeaux viennent donc du ciel pour arriver au pied du sapin. Selon les croyances nordiques, il s’agirait en fait de la mémoire des anciens offerte aux enfants, une passation de savoirs entre génération. En Scandinavie on avait coutume de conserver des objets ayant appartenu aux anciens disparus dans leur tumulus (tombeaux côniques en pierre qu’on érigeait au-dessus des sépultures). Le soir de Yule, on allait les récupérer pour les offrir aux enfants. On note ici l’importance accordée à l’idée de filiation, de transmission et de perpétuation du cycle de la vie.

Les lutins de Noël

En Scandinavie, un nisse ou tomte est une créature légendaire souvent représenté sous la forme d’un homme âgé dont la taille peut varier de quelques centimètres à plus d’un mètre. A partir du XIXe siècle, le Nisse est aussi appelé Julenisse qu’on peut traduire par lutin de Noël. Il devient celui qui apporte les cadeaux durant la fête de Yule. Avec le temps (et le marketing), son apparence a évolué pour ressembler de plus en plus au Père-Noël mais dans les traditions ancestrales, il était bien plus que le lutin du père-noël. Figure protectrice, proche de la nature, il vivait dans les forêts de Scandinavie et du Groënland. Portant une barbe et des vêtements de travail de paysans, il protégeait les enfants et la maison du fermier quand ses habitants étaient endormis. Il était souvent accompagné d’un animal… qui ne volait pas.

En 1881, un magazine suédois publie un poème de Viktor Rydberg, Tomten où le tomte. Il y est question d’un lutin, seul être réveillé pendant la nuit de Noël qui s’interroge sur les mystères de la vie et de la mort. Ce poème était illustré par un dessin de Jenny Nyström représentant ce tomte sous les trains d’un homme bienveillant à barbe blanche. Il ne descendait pas par la cheminée mais remettait ses présents en main propre.

La bûche de Noël

C’est de cette fête traditionnelle scandinave que nous viennent également les couronnes de houx, les lutins du Père-Noël, mais aussi la bûche de noël. Au début de la fête de Yule, on allumait dans l’âtre du foyer une grosse buche qui brûlait plusieurs jours, idéalement jusqu’au nouvel an. Elle servait d’offrande aux Dieux et devait protéger toute la famille jusqu’à l’année suivante. Avant de brûler, elle était bénie avec une branche de buis conservée depuis la fête des rameaux, on l’allumait ensuite avec des cendres datant du feux de la Saint-Jean, le 21 juin précédent, soit le solstice d’été. On retrouve cette tradition en Provence à la même période. Là-bas, ce rite païen s’appelle le Cacho Fio.

Dans la Rome antique, les Saturnales

Quelques siècles plus tard, dans la Rome Antique, du 17 au 25 décembre, on célébrait les Saturnales, donnée en l’honneur du Dieu Saturne. Ces fêtes étaient également liées au solstice d’hiver. Elles s’achevaient le 25 décembre, soit le jour de la nativité, qui désigne ici encore la renaissance du soleil.

Durant ces 7 jours de festivité, les activités militaires et judiciaires étaient suspendues, on cessait les travaux aux champs et on festoyait tous ensemble dans un esprit volontiers facétieux. On ornait les maisons de plantes et de branches de sapin, on se rassemblait avec famille et amis et on s’offrait des cadeaux.

Mais ces fêtes étaient également une période d’inversion sociale qui commémorait le fait que sous le règne de Saturne, « les mortels vivaient comme les Dieux et, loin de tous les maux, se réjouissaient au milieu des festins », écrit le poète grec Hésiode. A cette occasion, les maîtres troquaient donc leur toge contre la tunique, tenue des esclaves, et portait le pileus, le bonnet des esclaves affranchis qui inspira le bonnet phrygien 2000 ans plus tard. L’espace de quelques jours, les maîtres servaient leurs esclaves qui avaient alors exceptionnellement le droit de boire de l’alcool et de s’adonner aux jeux de dès.

On désignait un roi des Saturnales, issu du peuple. Bien sûr, le pouvoir de ce roi était symbolique, il pouvait simplement « boire, s’enivrer, crier, plaisanter, jouer aux dés, choisir les rois du festin, régaler les esclaves, chanter nu, applaudir en chancelant, être parfois jeté dans l’eau froide, avoir la figure barbouillée de suie », écrit Lucien au 2e siècle dans les Saturnales.

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Au cours des premiers siècles après JC, alors que l’empire Romain commence à se déliter, apparaît le Sol Invictus, le soleil invaincu, inspiré par les figures d’Apollon et du Dieu Mithra, un Dieu indo-iranien très populaire dans l’armée romaine. L’empereur Aurélien en fait le patron principal de l’empire Romain et instaure des célébrations en son nom le 25 décembre. Elles suivent les Saturnales et ont pour objectif d’instaurer un culte commun à tout l’empire afin de renforcer le sentiment d’appartenance de ses différentes provinces, toutes restées attachées à leurs cultes et croyances respectifs.

La christianisation de croyances païennes

La création d’un Noël syncrétique fut un acte politique décidé par le pouvoir romain et la papauté.

Côté romain, on le doit à l’empereur Constantin, au 4ème siècle après JC, qui souhaitait réconcilier chrétiens et païens. Durant les premiers siècles de notre ère, les différentes croyances s’affrontaient et les adeptes du christianisme, religion toute neuve, étaient souvent persécutées par les païens. Faire coïncider les célébrations religieuses en réunissant la commémoration du soleil invaincu et la naissance de Jésus était donc une manière d’apaiser les tensions. L’empereur Constantin n’était d’ailleurs pas chrétien, il ne s’est fait baptiser que sur son lit de mort.

Côté chrétien, c’est le Pape Libere qui déplaça la date de naissance de Jésus. De fait, au commencement du christianisme, la naissance du Christ fut d’abord estimée en avril, puis en mars ou encore en janvier. Le pape Libere la fixa officiellement au 25 décembre afin de séduire les populations très attachées à leurs croyances liées à la Nature et au cycle des saisons. Pour plus de crédibilité, il leur expliqua que Jésus avait été conçu le 25 mars, lors de l’équinoxe de Printemps (période de fertilité), était né le 25 décembre, lors du solstice d’hiver (période de renouveau) et était mort le 25 mars. La boucle était bouclée, le cycle des saisons aussi.

La première mention de cette fusion apparaît dans le calendrier liturgique de l’an 354. A la date du 25 décembre, on peut y lire : natalis solis invicti (naissance du soleil invaincu) et natus Christus in Bethleem (naissance du Christ à Bethléem). Et pour parfaire cette fusion, on créa même des représentations du Christ sur le char du Soleil. Ainsi, tout le monde était content.

Ou presque. Les églises d’Orient, très éloignées de nos croyances européennes, protestèrent et refusèrent même de célébrer ce qu’ils considéraient comme une fête païenne et idolâtre. Ainsi, jusqu’au VIe siècle, Bethléem et Jérusalem ne célèbrèrent pas Noël le 25 décembre. Encore aujourd’hui, les Arméniens fêtent Noël le 6 janvier.

Avec les siècles, le christianisme prit de l’ampleur et les choses évoluèrent. Les célébrations païennes dérangeant de plus en plus la nouvelle église qui n’appréciait guère ce mélange des cultures, fit en sorte de les éradiquer. Mais plutôt que de tenter de les faire disparaître, chose impossible tant les peuples étaient attachées à ces croyances, elle se les réappropria, reprenant à son compte symboles et rituels. Peu à peu, on oublia donc le soleil invaincu.

Au Moyen-âge, la fête des fous

Au Moyen-âge, si Saturne et le Soleil Invaincu disparaissent des célébrations de la fin décembre, la facétie, elle, n’a pas dit son dernier mot, comme en témoigne la Fête des fous, sur laquelle s’ouvre le roman Notre-Dame-de-Paris, de Victor Hugo, donnant à voir des scènes de grande liesse populaire.

Elle était célébrée les 26, 27 et 28 décembre dans de nombreuses villes de France mais aussi en Europe. On l’appelait aussi la fête des Sous-Diacres, des Diacres-Saouls, des Libertés de décembre, ou encore fête des Innocents ou fête de l’âne, puisqu’elle était censée honorer l’âne sur lequel Jésus fit son entrée dans Jérusalem et le massacre des enfants de moins de 2 ans nés à Bélen, ordonné par le roi Hérode qui voulait tuer le nouveau-né Jésus de Nazareth.

Aubin-Louis Millin de Grandmaison, bibliothécaire français et grand érudit vivant au XIXe siècle, décrit La fête des fous comme un épisode donnant lieu à des rites très bizarres. On retrouve dans cette mascarade l’idée d’inversion sociale puisque le clergé cédait alors l’exercice de la prêtrise au peuple, et notamment à un enfant qui recevait le titre d’évêque des fous. Il occupait le siège du prêtre puis prenait la tête d’une procession festive où on retrouvait des membres du clergé, gens du peuple et fêtards. L’ambiance était des plus paillardes : les prêtres se barbouillaient le visage, dansaient dans les rues, chantaient des chansons obscènes, prenaient des poses suggestives et impudiques, le peuple buvait et s’adonnait à toutes sortes d’excès.

En raison des débordements auxquels elle donnait lieu, la fête fut peu à peu prohibée, non sans difficulté. Pour y parvenir, l’Église alla jusqu’à autoriser l’usage de la violence pour hérésie contre les membres du clergé qui persistait à y participer. On fit en sorte de sacraliser la période de Noël et les festivités populaires furent alors repoussées de quelques semaines. Elles deviendront le Carnaval.

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A partir de l’époque médiévale, la légende de Saint-Nicolas

Alors que la fête des fous disparaît, Saint-Nicolas apparaît.

« L’évêque chrétien remplace l’évêque des fous. Le jeune est devenu un vieillard. Un personnage réel est devenu un personnage mythique ; une émanation de la jeunesse, symbolisant son antagonisme par rapport aux adultes, s’est changée en symbole de l’âge mûr dont il traduit les dispositions bienveillantes envers la jeunesse ; l’apôtre de l’inconduite est chargé de sanctionner la bonne conduite. Aux adolescents ouvertement agressifs envers les parents se substituent les parents se cachant sous une fausse barbe pour combler les enfants. » Lévi-Strauss, Le père-noël supplicié, 1952.

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Saint-Nicolas vécut au 4e siècle en Lycie, le sud de l’actuelle Turquie. Evêque de Myre, il était réputé pour sa grande bonté, notamment envers les enfants. Après sa mort, un 6 décembre, il fut sanctifié. Sa légende apparaît au Moyen-âge et son culte se répand rapidement dans toute l’Europe de l’Ouest.

Elle raconte l’histoire de 3 enfants partis glaner dans les champs qui se perdirent en rentrant et frappèrent à la porte d’un boucher prénommé Pierre Lenoir. Il les fit entrer, les assassina, les découpa en morceaux et les mit à sécher dans son saloir pour en faire du petit salé. Saint-Nicolas arriva peu après sur son âne, frappa chez le boucher qui l’invita à sa table. Il lui demanda du petit-salé. L’homme se sut aussitôt démasqué et avoua son forfait. Saint-Nicolas tendit 3 doigts au dessus du saloir, les enfants se reconstituèrent et ressuscitèrent. Il enchaîna le boucher à son âne et l’emmena partout avec lui pour le punir.

Saint-Nicolas devint le Saint-Protecteur des enfants. Dans les pays d’Europe du Nord et de l’est, on commémore chaque année sa disparition : un personnage habillé en Saint-Nicolas va de maison en maison pour offrir des cadeaux aux enfants sages durant la nuit du 6 décembre. Il est toujours accompagné du boucher, devenu le père fouettard, qui effraie et punit les enfants désobéissant.

Le père fouettard est tout de noir vêtu, il porte une cagoule noire, une barbe noire et a une mine patibulaire. Saint-Nicolas, au contraire, est lumineux, il porte des vêtements colorés, il a une barbe blanche et un sourire bienveillant. C’est au XIIe siècle que Saint-Nicolas prend le nom de Noël, un mot dont l’étymologie reste flou mais qui pourrait provenir des deux mots gaulois noio, nouveau et hel, soleil. Une référence au solstice d’hiver et à l’origine païenne de la fête.

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De Saint-Nicolas à Santa Klaus

La réforme protestante du XVIe siècle supprima la célébration de Saint-Nicolas dans toute l’Europe. Seuls les Hollandais conservèrent leur Sinter Klaas. Un siècle plus tard, en émigrant aux Etats-Unis, ils l’emmenèrent avec eux, ainsi que tout le folklore, légendes et traditions associés. C’est ainsi que les rennes, lutins et sapins décorés imprégnèrent l’esprit de noël outre-atlantique. Le nom Santa-Claus est d’ailleurs directement tiré du Sinter Klaas, le Saint-Nicolas des Hollandais.

Au fil des siècles, ce personnage s’imposa dans toutes les communautés, prenant différents noms. Même les chrétiens l’adoptèrent, estimant que cette fête des enfants pouvait tout aussi bien servir à célébrer la naissance de Jésus. Le Père-Noël se mit donc à faire sa tournée des maisons dans la nuit du 24 au 25 décembre et non plus dans la nuit du 6 au 7 décembre afin que toutes les croyances y trouvent leur compte. Dans de nombreuses régions, cependant, notamment en Alsace pour la France et dans les pays de culture germanique, on continue à célébrer Saint-Nicolas le 6 décembre.

Tout un univers légendaire

Aux États-Unis, le mythe du Père-Noël moderne prend sa source dans un poème de Clement Moore paru en 1823 : The Night Before Christmas. Il y est question de la venue de Saint-Nicolas, lutin dodu et jovial qui descend du ciel dans un traîneau tiré par 8 rennes volants pour distribuer des cadeaux aux enfants. En Europe, c’est Charles Dickens qui, en 1850, donnera naissance à l’imagerie de Noël en publiant ses Livres de noël, très vite traduits en français.

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Notre représentation graphique du Père-Noël nous vient quant à elle de Thomas Nast, illustrateur et caricaturiste, qui publia en 1860 un premier dessin paru dans le Harper’s Weekly dans lequel on découvre un père-noël petit et rond, portant une longue barbe blanche, une houppelande en fourrure, et fumant la pipe. En 1890, il publie son ouvrage « Dessins de Noël de Thomas Nast pour le genre humain », contribuant à graver dans l’imaginaire collectif le portrait de ce père-noël joufflu et souriant. C’est également lui qui établit le lieu de résidence du Père-Noël au pôle Nord, peut-être pour justifier les vêtements chauds et les rennes qui tiraient son traîneau ou encore en hommage aux origines scandinaves de ces célébrations de fin d’année. Le petit-fils de Thomas Nast explique quant à lui que son choix s’est porté sur cette contrée car elle se situait à égale distance de la plupart des pays de l’hémisphère nord où Noël était majoritairement célébré.

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On attribue souvent à Coca-Cola la responsabilité du costume rouge du Père-Noël mais il n’en est rien. Dans de nombreux pays, cette couleur était déjà répandue bien avant le XXe siècle. Une carte de noël éditée par Louis Prang en 1885 le représente à vélo, avec une longue barbe blanche et un costume rouge, la marque ayant été créée en 1886, elle ne peut en être à l’origine. L’appropriation du personnage par la marque dans les années 1930 a cependant très probablement contribué à fixer cette représentation du père-noël.

Un père-noël chamane

John Rush, un anthropologue américain spécialisé dans l’étude de la magie, des mythes et des religions, rapproche nos rites de Noël de certaines pratiques ancestrales des chamans de Sibérie, et plus particulièrement du peuple des Evenki, des éleveurs de rennes qui dépendaient de ces animaux pour survivre puisqu’ils ils leurs fournissaient nourriture, vêtement, outils, couverture et moyens de transports. D’après Boris Rybakov, historien et archéologue russe, le culte des cervidés lié au chamanisme remonte au mésolithique.

Dans ces contrées arctiques, le chamanisme est également lié à l’Amanite tue-mouche, célèbre champignon rouge à pois blancs mortellement vénéneux que l’on voit parfois apparaître, sans savoir pourquoi, dans nos décorations de Noël. En raison de sa rareté, ce champignon était sacré pour les peuples de Sibérie et les chamans s’en servaient lors de leurs cérémonies pour ses effets psychoactifs. Comme il poussait essentiellement sous les pins, cet arbre devint lui aussi un symbole sacré.

Pour réduire la toxicité de ces champignons, il convient de les faire sécher. Selon John Rush, lorsqu’ils procédaient à leur cueillette, les chamans les disposaient donc sur les branches des sapins alentours, ornant ainsi leurs parures sombres de décorations rouges et blanches. Lorsqu’ils avaient terminé leur cueillette, ils ramassaient les champignons et les glissaient dans un grand sac avec lequel ils allaient visiter les maisons du village pour distribuer les champignons. Comme la neige abondante bloquait souvent les portes des habitations, ils les faisaient passer par la cheminée située au sommet des yourtes. Les champignons poursuivaient ensuite leur processus de séchage dans de grandes chaussettes suspendues près du feu. Une fois ingérée, ces champignons provoquaient des hallucinations et donnaient à ceux qui les avaient consommés l’impression de voler.

Les sapins sous lesquels les amanites poussaient étaient considérés par les peuples de Sibérie comme des symboles de l’Arbre-Monde. Souvent, ils en plaçaient un au centre de leur yourte pour qu’il puisse guider leur esprit vers l’extérieur lors des voyages chamaniques. Pour ces peuples, l’étoile du Nord était le sommet du Monde Supérieur, elle était donc logiquement placée au sommet de l’Arbre-Monde.

Noël, une fête à la croisée de nombreuses cultures

Noël tel que célébré aujourd’hui est donc une fête qui prend racine il y a des millénaires, dans les cultures indo-européennes de l’ère pré-chrétienne. Une époque où les croyances et les rites religieux étaient souvent en lien avec les cycles de la nature. Depuis, de très nombreuses cultures s’en sont emparées et l’ont enrichi. Les célébrations de noël se sont désormais répandues à travers le monde et un peu partout, d’Europe en Amérique, d’Asie en Afrique et en Océanie, la fin de l’année donne lieu à des festivités liées au personnage de Santa-Claus. Ce personnage est le fruit d’un mélange entre différentes traditions, légendes, religions et folklores, comme l’explique Levi-Strauss :

« On ne peut pas parler de la survivance d’une tradition archaïque puisqu’elle est de sources et d’époques trop diversifiées, mais bien d’une convergence ou, pour utiliser un vocabulaire spécialisé, d’un syncrétisme, mélange de croyances, de rituels différents. En fait, cet être surnaturel et immuable, éternellement fixé dans sa forme et défini par une fonction exclusive et un retour périodique, relève plutôt de la famille des divinités ; il reçoit d’ailleurs un culte de la part des enfants, à certaines époques de l’année, sous forme de lettres et de prières ; il récompense les bons et prive les méchants. C’est la divinité d’une classe d’âge de notre société (classe d’âge que la croyance au Père Noël suffit d’ailleurs à caractériser), et la seule différence entre le Père Noël et une divinité véritable est que les adultes ne croient pas en lui, bien qu’ils encouragent leurs enfants à y croire et qu’ils entretiennent cette croyance par un grand nombre de mystifications. »

En ce sens, c’est aussi une figure symbolisant un rite de passage. Passage d’une année à l’autre, d’un cycle de la vie à l’autre, mais aussi de l’enfance à l’âge adulte puisque le culte du père-noël est réservé aux enfants qui l’abandonnent dès lors qu’ils sont en âge de devenir grand.

 

Sources :

Claude Levi-Strauss – Le Père-Noël supplicié, 1952, éditions Seuil.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saturnales

https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_des_Fous

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nisse_(folklore)