Après avoir étudié la mode et le marketing digital, Camille Dechartre s’est lancée dans la création de l’Atelier Maoli, un concept store éco-responsable et engagé sur lequel elle met en avant de jolies marques françaises qui produisent artisanalement des produits respectueux de l’environnement. Elle nous a parlé de la genèse de ce projet et de l’importance pour elle d’accorder ses valeurs personnelles et son projet professionnel.

Entreprendre en accord avec ses valeurs

Au commencement, Camille avait une passion pour la mode. A 18 ans, son bac tout juste obtenu, elle entre donc dans une école de mode où elle étudie l’aspect marketing de ce secteur.

Camille : « La mode me fascinait : la vitesse à laquelle on arrivait à produire des collections, ce dynamisme, cette créativité, j’adorais ça et je ne m’étais jamais vraiment interrogée sur la pollution que ça générait. J’étais également passionnée par le digital, j’ai donc terminé mes études par un master dans ce secteur. J’ai ensuite travaillé quelques temps à Paris, en agence de communication puis chez un joaillier, Louis Pion. Il y avait, comme dans la mode, l’idée de collections à créer régulièrement et ça, ça m’a beaucoup plu. Malgré tout, j’ai rapidement eu envie de quitter Paris et de créer ma propre structure à Bordeaux, ma ville natale. »

Après ces premières expériences professionnelles, elle se sent prête à monter son propre projet. Mais pas question pour elle de créer n’importe quelle entreprise. Elle cherche une idée qui soit en accord avec ses valeurs et fasse une vraie différence. Car depuis quelques années déjà, elle accorde une grande attention à sa manière de consommer, consciente que chacun de nos achats et chacune de nos actions ont un impact environnemental non négligeable qu’il convient de réduire au maximum.

L’origine de la prise de conscience

Cette prise de conscience, c’est à son cursus en école de mode qu’elle la doit. Avant cela, elle avait déjà été sensibilisé à l’importance de consommer bio, mais surtout pour des raisons de santé.

Camille : « Ma famille vient du milieu médical et on m’a toujours dit que la peau était un organe perméable, que tout ce qu’on mettait dessus entrait dans le corps et qu’il fallait donc faire attention. Donc depuis toujours, j’utilise des cosmétiques bio. Mais c’est en école de mode que j’ai pris conscience de la nécessité de faire attention à sa façon de s’habiller. »

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En apprenant comment sont fabriquées les collections de vêtements, où, par qui, avec quels produits, elle réalise que consommer de manière responsable, c’est non seulement une question de santé mais c’est aussi une question de responsabilité sociale et environnementale. Une prise de conscience essentielle qui changera totalement sa manière d’envisager sa carrière.

Camille : « En école de mode, on nous a beaucoup sensibilisés à l’impact de ce secteur sur l’environnement : les matières premières, les composants chimiques, les transports, les salaires de misère de ceux qui les fabriquent, bref, tout ce que ça coûte à la terre et à l’humanité de fabriquer des vêtements et que je ne percevais pas avant ! J’ai donc réalisé que la mode c’était certes fascinant, mais aussi extrêmement polluant. Je me suis dit qu’on pouvait forcément faire autrement. »

Entreprendre en cohérence avec ses idées

Dès lors, Camille tient à ce que son entreprise soit en accord avec ses engagements personnels. Elle veut porter un projet fort, engagé et positif.

Camille : « Cela faisait longtemps que j’avais en tête l’idée de l’Atelier Maoli, déjà pour mon projet de fin d’études. À l’époque, l’idée de consommation responsable était de plus en plus présente mais on en était encore aux prémices. Tout restait à faire pour aider les gens à mieux consommer. Comme je suis passionnée de mode, de lifestyle et de cosmétiques, je voulais offrir aux gens comme moi la possibilité de se faire plaisir sans avoir un impact négatif sur la planète. »

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Se débrouiller toute seule

Son concept-store, Camille l’a imaginé, conçu et créé seule, avec peu de moyens financiers. C’était non seulement une envie mais aussi un défi à relever.

Camille : « J’ai tout fait toute seule, c’était ce que je voulais depuis le tout début, c’était mon idée, mon projet, mon bébé : j’ai fait mon site moi-même, j’ai trouvé les bons produits, contacté les marques que j’aimais, etc. J’avais peur qu’elles ne me fassent pas confiance, qu’elles ne veuillent pas travailler avec moi, j’étais jeune, débutante, sans appuis, mon site n’existait même pas… »

Il lui a fallu surmonter ses doutes et sa timidité mais elle a vite réalisé que ses peurs étaient infondées : elle n’a reçu que des accueils bienveillants de la part des marques contactées et toutes ont répondu positivement.

Camille : « Je me disais ‘mais comment les convaincre ?’ Et en fait, j’ai rencontré des personnes exceptionnelles. Certains m’ont dit « pas de souci, vous avez un super projet, pour les conditions commerciales, on s’arrangera » ; pourtant à ce moment-là, je n’avais rien à leur offrir ! »

Elle a réuni des marques de déco, de mode et de cosmétiques qui proposent des produits non seulement éco-responsables mais qui sont également très beaux, d’excellentes qualité et dont les prix restent abordables. Preuve qu’il n’est pas forcément nécessaire de choisir entre éthique et plaisir.

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Entraide et bienveillance

Il faut dire qu’elle a fait le choix de distribuer des produits fabriqués par de petites entreprises. Elle estimait que les grandes marques n’avaient pas besoin d’elles, alors que les petits créateurs qui travaillent avec peu de moyens mais une vraie passion, en revanche, oui.

Camille : « Je voulais vendre des petites marques fabriquées localement, artisanalement, même. Des marques qui ont besoin de moi autant que j’ai besoin d’elles, il n’y a donc pas de rapport de force, chacun comprend les problématiques de l’autre, on se ressemble et on s’entraide. Quand on a une si belle relation avec ses marques, ça motive à faire un beau site. »

Cette expérience a profondément modifié son rapport au monde et aux gens. Alors qu’elle avait auparavant été amenée à évoluer dans des milieux où la générosité, l’éthique et le partage avait peu de place, elle a réalisé qu’ailleurs, ces valeurs pouvaient être centrales.

Camille : « Ça m’a complètement transformée. J’ai toujours été quelqu’un de sociable mais là, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens différents de ceux que j’avais rencontré dans mes précédentes expériences professionnelles. J’ai constaté que certaines personnes pouvaient faire des choses pour vous sans rien attendre en retour ! »

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Favoriser la production locale

Elle présente déjà une quinzaine de marques sur son site. La plupart sont des petites structures lancées et portées par des personnes seules. La production est majoritairement française, parfois  européenne quand il n’est pas possible de faire autrement.

Camille : « En matière de cosmétiques, tout est fabriqué en France. Pour la mode, c’est souvent le cas également. Quand ce n’est pas possible, on fait en sorte de trouver des artisans plutôt que des grosses usines. Par exemple, il y a un modèle de chemise fabriquée en Lituanie mais dans une petite structure où ce sont des femmes qui travaillent. Même si on ne fabrique pas en France, il y a toujours une dimension éthique. »

Faire évoluer les modes de vie et de pensée

Camille espère qu’en valorisant des modes de consommation alternatifs, elle contribuera à faire évoluer les mentalités. Malgré tout, il ne s’agit pas d’être moralisatrice, de faire culpabiliser ou de juger ceux qui ne consomment pas comme il faut. Car nous sommes tous plein de paradoxes, on peut s’acheter des cosmétiques bio ou des chaussures en cuir vegan… et un pull synthétique fabriqué en Asie.

Camille : « Je n’irai jamais juger quelqu’un qui achète du Loréal ou du H&M. Culpabiliser les gens, ça ne les fait pas évoluer. Tout ce que je veux, c’est leur montrer qu’on peut faire autrement, les informer, rendre visibles les alternatives. Parce qu’il y en a plein, des gratuites, des très efficaces, des home made, des design, etc. »

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Entreprendre autrement

Une entreprise plus responsable

Camille compte développer l’Atelier Maoli en faisant en sorte de réduire au maximum son empreinte carbone. Pour elle, les entreprises ont une grande part de responsabilité dans les problèmes environnementaux actuels. Il est donc indispensable qu’elles en prennent conscience et qu’elles agissent en conséquence.

Pourtant, la responsabilité environnementale est une question que les entreprises se posent bien moins que les citoyens, toutes pressurisées qu’elles sont par leurs impératifs de croissance. Il faut donc sans cesse les rappeler à leur responsabilité.

Camille : « Toutes les entreprises sont conscientes que l’écologie, c’est important. Mais en réalité, quand il faut commencer à agir, il n’y a plus personne. Les entreprises traditionnelles ont une vision à court terme, elles ne pensent qu’au bilan comptable de l’année à venir. Dans mes précédentes expériences professionnelles, j’avais essayé de faire changer les choses sur des sujets très simples comme l’arrêt des gobelets en plastique, à remplacer par des gourdes pour tout le monde. Ils avaient fini par accepter mais ça avait été très long et très compliqué, ils n’avaient pas envie de faire l’effort de renoncer à un mode de fonctionnement certes polluant, mais pratique et bon marché. »

Car pour beaucoup, être écolo, ça prend du temps, ça coûte cher et ça ne rapporte rien. Or, le temps et l’argent sont deux ressources que les entreprises n’ont pas du tout envie de gaspiller. Pourtant, être écolo ne coûte pas forcément plus cher.

Camille : « D’ailleurs, pour les convaincre, il a fallu que j’en arrive à l’argument de l’argent, je leur ai expliqué que ça allait leur faire faire des économies. Là, j’ai eu une écoute et une fois le changement initié, ça s’est très bien passé ; mais le problème, c’est que souvent, dans les entreprises, personne n’est suffisamment impliqué et persévérant pour insister assez longtemps pour parvenir à faire bouger les choses. »

Et pour cause, si quelqu’un essaie de faire passer ce genre d’idées, il sera probablement perçu par certains comme l’écolo-bobo qui veut perturber l’ordre naturel des choses et réduire les libertés. Pour convaincre un dirigeant d’adopter une nouvelle habitude, il faut donc nécessairement lui démontrer que l’entreprise a un intérêt à le faire, que ce soit financièrement ou en terme d’image.

Camille : « On oppose souvent le fait d’être libre au fait d’être écolo, or  je pense que c’est tout l’inverse ; de même, le fait de dire que ça coûte plus cher, ce n’est pas forcément vrai. Certes, une paille en bambou est plus chère qu’une paille en plastique mais il faut considérer les choses à long terme. La paille en bambou durera bien plus longtemps et n’impactera pas négativement l’environnement, contrairement aux pailles en plastique à usage unique, qu’il faut donc racheter à chaque fois et qui, une fois usagées, détruisent les écosystèmes, notamment marins. C’est de l’éducation mais j’y crois beaucoup. »

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Une entreprise bienveillante

Pour Camille, certains modes de fonctionnement encore d’actualité dans les entreprises sont totalement archaïques : le refus du télé-travail, le fait de surveiller ses employés en les faisant pointer quand ils arrivent et quand ils partent ou encore le fonctionnement en open-space. Elle croit bien plus en la confiance et la bienveillance pour motiver les gens et les amener à se passionner pour leur travail. C’est une évidence que les jeunes générations partagent pour la plupart, ce qui la rend confiante pour l’avenir.

Camille : « Les nouvelles générations ont envie de faire bouger les choses. Elles ne veulent plus travailler dans des entreprises à l’ancienne, qui surveillent leurs employés, les infantilisent et n’ont aucune conscience sociale ou écologique. A mesure que la population active rajeunira, que de jeunes personnes atteindront des postes à responsabilités et qu’elles remplaceront les anciens, dans des start-up comme dans des grands groupes, ça changera. »

Changer pour faire changer

Pour autant, pas question de s’en remettre au temps. Pour que le changement arrive plus rapidement, il faut dès maintenant tenter de faire bouger les choses. Même si cela ne fonctionne pas tout de suite, cela peut permettre de passer un message, de planter une graine dans l’esprit de ses interlocuteurs.

Camille : « On n’arrive pas à penser les choses différemment pour l’instant mais petit à petit, ça viendra ; il faut juste avoir conscience que le changement ne viendra pas d’en haut et agir à notre niveau. Les entreprises ne changeront pas toutes seules. Elles sont coincées dans une logique économique qui les en empêche. Mais nous, on peut les obliger à changer en changeant nous-mêmes. En consommant autrement, en créant des entreprises différentes, qui fonctionnent très bien et gagnent de l’argent tout en respectant l’humain et l’environnement. »

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Pour l’avenir

Aider ceux qui aident

Camille envisage l’avenir de son entreprise de la même manière qu’elle l’a conçue depuis le début. Elle continuera à défendre et à incarner les valeurs qui lui tiennent à cœur et, à mesure que ses moyens grandiront, son engagement et ses actions pour préserver la planète grandiront en proportion.

Camille : « Je veux absolument que ma manière de développer mon entreprise soit en phase avec mes engagements écologiques et éthiques. Dpuis le mois de juillet, je reverse 1% de mon CA à une association qui s’appelle 1% pour la planète. Elle travaille avec 3000 associations partenaires qui œuvrent dans le secteur de la protection de l’environnement, pour la cause animale ou dans le domaine du social. »

Créer des relations de confiance

De même, elle souhaite adopter une nouvelle manière de collaborer avec ses partenaires et ses futurs employés.

Camille : « Si je dois un jour recruter, j’aimerais le faire autrement que dans une logique pyramidale ou présentielle dont il faut vraiment qu’on parvienne à se sortir parce que c’est ridicule. Personnellement, quand je travaillais en open-space, je n’étais pas du tout concentrée. J’étais bien plus efficace en travaillant 2h chez moi dans le calme qu’en 8h au boulot, entourée de bruits et de sollicitations. Et puis, je veux baser mes collaborations professionnelles sur la confiance, pas sur la présence des gens à côté de moi pour que je puisse les surveiller. »

Informer et rendre visible les alternatives

Camille souhaite aussi développer le Green Journal de l’Atelier Maoli, un magazine en ligne grâce auquel elle aimerait sensibiliser ses lecteurs et ses clients, les amener à changer leurs habitudes de vie en leur donnant à voir d’autres manières de fabriquer, de recycler et de consommer.

Camille : « J’aimerais aider les gens à consommer moins, différemment, à changer leurs habitudes, en optant par exemple pour le zéro déchet. A l’avenir, je compte d’ailleurs développer la partie ‘Maison’ du site, avec notamment toute une catégorie consacrée au zéro déchet : gourdes, pailles durables, etc. »

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S’ancrer localement

Bordelaise de cœur et de naissance, Camille adore sa ville et rêverait d’y ouvrir une boutique pour l’Atelier Maoli.

Camille : « Je crois beaucoup au local. D’une part parce que certains se refusent à acheter sur internet (ça pollue, ça fait des cartons, des emballages plastique, etc.), d’autre part parce que j’ai vraiment envie de créer un endroit pour partager mes valeurs. Je voudrais que ce soit un genre de concept-store où on pourrait non seulement vendre les produits mais aussi voir des expositions, des conférences, etc. Créer un lieu culturel autant qu’un magasin, en somme. »

Pour l’instant, c’est encore une idée mais qui sait, d’ici quelques temps, vous pourrez peut-être aller visiter l’Atelier Maoli à Bordeaux. En attendant, rendez-vous sur le site pour découvrir plein de nouvelles manières de se faire plaisir sans abimer la planète.

Le concept-store de l’atelier Maoli est ici.

Vous pouvez aussi retrouver l’Atelier Maoli sur Instagram et sur Facebook