Certaines langues permettent d’exprimer de manière lumineuse des concepts complexes. Le japonais en fait assurément partie, qui peut, en quelques syllabes, définir à la perfection des idées abstraites et des émotions aussi fortes qu’insaisissables. Shinrin-Yoku est l’une de ces expressions particulièrement inspirantes. Elle signifie littéralement ‘bain de forêt’ et désigne le fait de passer du temps dans la forêt pour prendre soin de sa santé.
Au Japon, c’est devenu une véritable pratique de médecine préventive et une technique de relaxation à part entière. Bien sûr, les bienfaits de la forêt sont reconnus dans de nombreuses cultures. En Français, on appelle cela la sylvothéraphie, mais avouez que c’est tout de même beaucoup moins poétique…
Qu’est-ce que le Shinrin-Yoku ?
Le Shinrin-Yoku désigne le fait de se promener en forêt, en prenant son temps et en apportant une attention réelle à ce qui nous entoure. La promenade doit durer au moins 15 à 20 minutes. Cela permet de bien laisser à l’organisme, aux sens et à l’esprit le temps de se connecter au lieu. Pour optimiser les bienfaits du Shinrin-Yoku, ces promenades devraient idéalement être pratiquées de manière régulière mais on peut en ressentir les bienfaits dès la première ballade.
Le temps passé en forêt peut aussi être beaucoup plus long. On peut choisir d’y passer plusieurs jours voire même plusieurs semaines ou plusieurs mois pour faire le plein de tout ce qu’elle a à nous apporter !
D’où vient le Shinrin-Yoku?
Ce concept est né en 1982, à l’initiative de l’Agence des forêts du Japon qui souhaitait inciter les japonais à adopter un mode de vie plus sain. Il faudra attendre les années 90 pour que des fondements scientifiques viennent appuyer cette initiative et démontrer les réels bénéfices du bain de forêt sur la santé.
Mesurer les effets du Shinrin-Yoku
Ce sont 2 scientifiques japonais, Miyazaki et Motohashi, qui ont les premiers mesuré ces effets bénéfiques. Lors d’une étude réalisée en 1995, ils ont ainsi observé que des personnes ayant passé 40 minutes dans la forêt à 2 reprises dans la même journée voyaient leur niveau de stress, de fatigue et d’anxiété baisser, tout comme leur taux de cortisol (hormone du stress).
Par la suite, d’autres études sont venues enrichir ces observations. On a par exemple constaté une diminution du taux de glucose chez des diabétiques pratiquant régulièrement le Shinrin-Yoku. D’autres études menées à la Nippon Medical School ont observé un renforcement du système immunitaire chez un groupe d’étudiants ayant pratiqué le Shinrin-Yoku pendant 8 heures consécutives.
Quant aux bienfaits psychologiques, on a pu observer que des personnes passant quelques heures à plusieurs jours en forêt se sentaient incontestablement mieux : plus détendues, moins agressives, plus joyeuses. Il paraît même que le Shinrin-Yoku augmenterait l’espérance de vie ainsi que la libido…
Pourquoi les bains de forêts sont-ils bons pour la santé ?
Mais qu’y a-t-il de si particulier dans la forêt pour que notre santé en soit à ce point positivement affectée ?
Les sens en éveil
Tout d’abord, en forêt, nos sens sont en alerte et ce qu’ils perçoivent est particulièrement apaisant :
- La vue : la prédominance de vert, la stabilité des éléments, les rayons du soleil à travers les branches, tout est beau et harmonieux.
- L’ouïe : le flot d’une rivière, le chant d’un oiseau, le vent dans les feuilles, le craquement des pas sur le sous-bois. Ces sons apaisants agissent comme des sédatifs naturels.
- L’odorat : l’odeur de la végétation, la fraîcheur de l’air et l’absence de pollution limitent les agressions olfactives.
- Le toucher : toucher l’écorce des arbres, les feuilles, la mousse ou la terre nous connecte à la nature et nous revivifie.
Tous ces éléments aiguisent notre système sensoriel, nous recentre sur nos émotions et nous éloigne de ces sources de stress quotidien qui nous pousse à nous oublier pour nous concentrer sur ce que le monde attend de nous : efficacité, productivité, obligations, contraintes, peurs, etc.
Les phytoncides
Pour le docteur Li Qing, de la Nippon Médical School, les effets bénéfiques de la forêt seraient en partis dûs à la présence de phytoncides dans l’air ambiant. Ces molécules aux effets antibiotiques sont sécrétées par les arbres afin de se défendre contre les bactéries. Elles auraient des effets positifs sur la santé des êtres humains qui les inhalent.
Elles permettraient notamment de faire baisser la pression sanguine systolique (et donc de rétablir le calme dans l’organisme). Elles pourraient aussi augmenter nos défenses immunitaires en agissant sur l’activité des lymphocites nuls (ou cellules tueuses naturelles). Ces cellules présentes dans la moelle osseuse sont capables de détruire les cellules cancéreuses.
Chaque forêt sécrète ses propres phytoncides, en fonction des espèces d’arbres qu’on y trouve, de la lumière qui y pénètre, de la pression atmosphérique, du taux d’humidité ou encore de la densité de végétation.
Le bois, un des 5 éléments Feng Shui.
Le Feng Shui, système traditionnel chinois visant à rétablir l’harmonie dans notre environnement, est basé sur l’équilibre de 5 éléments : bois, feu, terre, métal, eau. L’élément bois correspond au jaillissement. C’est un symbole de croissance et d’énergie ascendante ; c’est-à-dire l’énergie des végétaux qui poussent vers le haut, du jour qui se lève ou de la lune qui monte. C’est aussi l’énergie du printemps. Une pulsion de vie, donc. En s’entourant de bois, on est au contact d’une énergie qui nous vivifie, nous pousse à l’action, à la création, à la mise en pratique d’idées nouvelles.
Méditer
Pendant que vous marchez en forêt, sans sollicitations extérieures, sans pollution sonore, sans odeurs d’échappement, sans impératifs professionnels et sans dictats sociaux, vous vous recentrez sur vous et uniquement sur vous. Ici, personne n’attend rien de vous, personne ne vous observe, personne ne vous contraint. Vous êtes parfaitement libre, pleinement présent, pleinement conscient de ce qui vous entoure. Cela a les mêmes effets qu’une séance de médiation.
Se mettre en pause, prendre du recul
Cela permet aussi de prendre un peu de hauteur et de remettre les choses à leur juste place : réalisez comme vous êtes minuscule au milieu de ces arbres immenses. Observez la richesse de cet environnement, tout ce que vous voyez mais aussi toutes les choses que vous sentez sans forcément les voir : des dizaines d’espèces de plantes, d’insectes, d’animaux, d’oiseaux. Regardez aussi comme les couleurs et la lumière changent en permanence. Voyez comme ce monde n’a pas besoin de vous et comme, pourtant, vous vous fondez parfaitement dedans.
Et maintenant, réfléchissez bien, êtes-vous sûrs que ce qui vous stresse, vous angoisse ou vous préoccupe est si important que cela ?
Quelques précisions pour une séance de Shinrin-Yoku réellement bénéfique
L’absence d’appareils électroniques
Bien sûr, les appareils électroniques en tout genre sont à proscrire au cours de votre bain de forêt ! Il ne s’agit pas de marcher en téléphonant, de poster sur Instagram la jolie photo de chêne centenaire que vous venez de prendre, encore moins d’aller vous asseoir au pied d’un arbre pour vous filmer en train d’expliquer à vos followers à quel point marcher en forêt vous fait du bien. Partez les mains et la tête libres. Connectez-vous à la forêt et seulement à la forêt.
Se promener sans but
Promenez-vous sans but, sans savoir où vous allez, sans vous demander où mène ce chemin. Cela n’a aucune importance. Marchez, observez, écoutez et concentrez-vous sur ce qui vous entoure. Évitez toutes les pensées qui vous ramènent au travail ou à vos problèmes.
Comment pratiquer le Shinrin-Yoku quand on habite loin de toute forêt ?
Le déjeuner au parc
Revisitez votre pause déjeuner, transformez-la en bain de forêt au parc. Pour pratiquer le Shinrin Yoku, pas besoin de vivre à proximité d’une grande forêt, le simple fait de se promener dans un espace naturel assez grand pour ne plus entendre et sentir les nuisances de la ville suffit. Il s’agit de faire une pause, quitter les impératifs du quotidien pour se connecter avec la nature : ses bruits, ses odeurs, sa faune, sa flore, son air pur.
Le Tree hugging
Faire des câlins aux arbres, à première vue, cela peut sembler saugrenu. Pourtant, les adeptes de cette pratique l’affirment : s’adosser à un arbre ou l’enlacer a de véritables effets bénéfiques sur la santé et sur le moral. Il suffirait de 20 secondes de contact rapproché avec un arbre, dans un environnement calme et silencieux, pour ressentir l’énergie qui s’en dégage et profiter de ses bonnes vibrations. Après tout, cela ne coûte rien d’essayer…
Des bains de jardin
Vous n’avez pas de forêt mais vous avez un jardin ? Se promener dedans en étant réellement présent à ce qui vous entoure (les sons, les couleurs et les odeurs) plutôt qu’en pensant à tout ce qui vous reste à faire est déjà un bon début. Car vous l’aurez compris, l’état d’esprit dans lequel on se trouve au cours de sa promenade est essentiel pour ressentir les effets bénéfiques de la nature.
Retour à la nature
Après plusieurs décennies passées à se déconnecter de la nature, à fuir la campagne pour les villes, à s’affranchir du cycle des saisons pour le plaisir de manger des tomates en janvier, à détruire les environnements naturels pour y construire des immeubles en béton, à préférer le moderne et l’artificiel au naturel et à l’ancestral, l’humanité semble finalement prendre conscience qu’elle a fait fausse route. Elle redécouvre peu à peu la nécessité de prendre soin de la nature et de s’en rapprocher pour se sentir bien. De ce constat, naissent de nouveaux rapports à la nature, un besoin de la protéger, de s’y retrouver, de s’en envelopper.
Comme si on cessait enfin de renier notre essence de mammifère totalement dépendant de l’environnement qui l’entoure et des éléments naturels qui le composent.
Marcher en forêt, en écouter les bruits, toucher les arbres, c’est se reconnecter à la nature, prendre conscience de sa grandeur, de sa beauté et du fait qu’étrangement, on s’y sent bien, en parfaite harmonie, juste à notre place.
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