L’Aventurière, c’est Chloé Pommeau, une jeune femme qui aime rencontrer d’autres cultures, explorer d’autres manières de vivre et se fondre dans d’autres mondes que le sien. Pour elle, c’est de là que tout part, de ce besoin d’altérité qui l’a amenée à découvrir l’Inde en profondeur, dans toute sa complexité et sa diversité. De ce voyage dont on revient si différent, elle a ramené une idée, un projet, à la fois ethnique, esthétique et solidaire.

Voici l’histoire de Chloé, créatrice de l’Aventurière, marque de mode éthique qui propose des vestes uniques venues du bout du monde…

Au départ, des voyages…

Dès l’enfance, Chloé a eu ce goût du voyage, de l’ailleurs, notamment en raison de sa double-culture.

« Je voyageais un peu avec mes parents mais j’avais surtout une grand-mère allemande, on avait donc deux cultures à la maison et je trouvais ça formidable. J’aime bien expérimenter différents styles de vie, découvrir d’autres façons de penser. »

L’envie de partir à la découverte d’autres modes de vie s’insinue très rapidement et, à peine adulte, elle part passer quelques mois dans le désert marocain. Une première immersion en terre inconnue qui initie son parcours d’aventurière. Pour elle, les voyages sont une nourriture, des expériences dont on rapporte toujours des choses avec soi. Elle s’intéresse notamment à l’artisanat du monde, avec une passion toute particulière pour la broderie et le tissage.

« Je me suis toujours dit que ce n’était pas parce que j’étais née en France que je devais forcément vivre à la française. À chaque voyage, j’ai appris des choses, des valeurs, des modes de vie, d’autres façons de faire que je trouvais merveilleuses et que j’intégrais après à mon quotidien. J’étais toujours à la recherche de savoir-faire et de cultures complètement différentes des nôtres. »

…Puis un voyage au long cours

La vie d’étudiante entrecoupée de voyages passionnants laisse bientôt place à une vie de jeune adulte qui devient rapidement trop ennuyeuse pour elle…

« Après mes études, j’ai travaillé chez Maisons du Monde : j’achetais des meubles en Inde et en Chine. C’est par ce biais, en discutant avec les fournisseurs, que j’ai commencé à découvrir l’Inde. Mais après quelques mois, le goût du voyage m’a rattrapée. Je n’avais pas envie de m’installer en France, de me construire une vie routinière, j’ai donc démissionné et j’ai décidé de partir à l’aventure en me disant que je verrais bien où ça me mènerait. »

Elle s’envole pour le Népal afin de réaliser l’un de ses rêves : voir l’Himalaya. De là, elle se rend en Inde, à la rencontre de ce pays qu’elle a découvert à distance, en discutant avec ses fournisseurs, durant les quelques mois passés à travailler en France. En arrivant à Jodhpur, dans le nord de l’Inde, c’est le choc : l’architecture, les couleurs, les odeurs, les gens, tout est nouveau, encore à découvrir.

« À Jodhpur, tout est tellement différent, gourmand, foisonnant que j’ai eu l’impression qu’ici, je ne pouvais pas m’ennuyer. Or l’ennui, c’est quelque chose que je dois combattre au quotidien quand je suis en France. Je pensais que mon voyage ne durerait que quelques semaines mais j’ai finalement décidé de rester un peu. »

Elle commence par donner des cours de français, puis elle s’investit dans l’humanitaire avant de contacter son ancien fournisseur, directeur d’une usine de meubles dans la région. Il accepte de l’embaucher.

« Je voulais voir le fonctionnement des usines en Inde, la culture entrepreneuriale. C’était un gros challenge parce qu’il n’y avait que des hommes qui ne parlaient pour la plupart pas anglais, ils venaient de villages des alentours, donc d’une culture totalement différente de la mienne. Je ne savais pas combien de temps cela durerait quand j’ai commencé, probablement quelques mois, et puis finalement j’ai travaillé 4 ans dans cette usine. »

Durant cette période, Chloé profite de son temps libre pour voyager. Elle finit par connaître chaque région de ce pays qu’elle adore, ainsi que les savoir-faire spécifiques à chacune d’entre elles. Après 4 ans, son travail commence à ne plus lui suffire. Il lui manque une étincelle, une raison de s’investir vraiment dans un projet professionnel qui lui ressemble et qui lui permette de développer sa passion pour l’artisanat du monde.

Une idée en entraînant une autre

Un jour, en 2014, alors qu’elle est en voyage, elle dessine un modèle de sac selon elle idéal pour voyager : pratique, esthétique et solide. Son croquis en main, elle se met en quête de l’artisan capable de le lui fabriquer. Une quête au long cours qui durera plusieurs mois et lui fera prendre conscience de ce qui lui importe vraiment.

«  J’ai visité des tanneries dans toute l’Inde pour découvrir le milieu du cuir qui m’était alors totalement inconnu, ça m’a pris plus d’un an et c’est devenu une vraie mission de vie. J’y ai consacré tout mon temps, toute mon énergie et beaucoup d’argent. Au bout du compte, je n’ai pas trouvé ce que je cherchais. J’ai réfléchi et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à creuser. C’était quand-même étrange de passer tant de temps à parcourir un pays pour chercher un artisan alors que j’aurais pu acheter un sac n’importe où. »

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Le projet de sac était peut-être un simple prétexte pour aller à la rencontre de tous ces savoir-faire. En réalisant cela, Chloé a également trouvé le projet dans lequel se lancer.

« Je me suis dit que j’allais lancer une marque pour voyageurs. Je voulais créer des accessoires de voyage en me servant de cuir, de tissages et de broderies trouvés sur les marchés. »

Elle entame de nouvelles recherches pour trouver les fournisseurs capables de fabriquer les produits qu’elle dessine, avec des modes de production solidaires. Des recherches longues et fastidieuses car les compétences requises pour réaliser ses modèles sont difficiles à trouver.

« A titre personnel, quand je choisissais des tissages ou des broderies, j’en prenais toujours plus pour me faire fabriquer des vestes par un petit couturier à Bombay. Je portais mes vestes tout le temps et partout où j’allais, à l’étranger ou en France, je recevais des compliments. Ça a pris de plus en plus d’ampleur, j’ai commencé à en faire faire pour des copines, puis des copines de copines. »

Un succès inattendu pour Chloé qui ne veut absolument pas se lancer dans la mode, milieu trop futile et superficiel, à des années lumières de ses préoccupations et de sa perception du monde.

« Au début, ce n’était pas du tout la mode qui m’intéressait. J’avais fait une incursion dans cet univers quand j’étais plus jeune et ça ne m’avait justement pas plu. Mais les vestes avaient un succès fou et c’était beaucoup plus facile à faire que les accessoires de voyage. »

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Après quelques mois d’hésitation, elle se rend à l’évidence et s’adapte à la réalité en transformant légèrement son projet. Elle crée une collection de vestes ethniques, uniquement constituée de modèles uniques, fabriqués artisanalement avec des tissus et des broderies qu’elle trouve sur les marchés et qu’elle fournit à son atelier de confection. Chaque pièce a sa personnalité propre.

Le projet la passionne mais elle ne perd pas de vue ce qu’elle a en tête depuis toujours.

« Pour moi, créer une marque de mode, c’était surtout une excuse pour développer des projets humanitaires. »

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Le choix de l’atelier

L’atelier de fabrication choisi par Chloé emploie des femmes indiennes dont les histoires sont souvent difficiles, chargées de violence, de traumatisme et d’exclusion.

« C’est une organisation à but non lucratif qui emploie une cinquantaine de femmes. Ils ont une petite boutique où ils vendent des sacs, des figurines en tissus, des broderies, qui leur permettent ensuite de réinvestir dans l’organisation. Cela permet aux femmes de s’émanciper financièrement mais il y a aussi tout un volet éducatif, pour les femmes comme pour les enfants. Ils reçoivent des cours, des soins médicaux, etc. »

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Elle a connu cette association grâce à une amie rencontrée quand elle travaillait dans l’humanitaire. Elle les a contactés pour leur proposer de fabriquer ses vestes, ce qu’ils ont accepté avec joie car ce travail, pour ces femmes, c’est une chance inespérée : elles apprennent un savoir-faire valorisant et retrouvent en plus une autonomie financière.

« J’ai passé 2 mois là-bas pour les former, leur expliquer les spécificités du produit, les techniques de fabrication car elles n’avaient jamais fait de vestes. En France, les couturières passent entre 2 et 3h sur une veste, là-bas il leur en faut 7 : elles ne sont pas aussi bien équipées, elles travaillent en différé, ramènent leur ouvrage chez elles. Ces vestes, ce sont donc des pièces chargées d’histoire, pas juste un bout de tissu lambda. »

Les échanges avec les femmes font totalement partie de l’aventure pour Chloé. Ces rencontres humaines, ce besoin de s’adapter les unes aux autres pour parvenir à se comprendre et à avancer ensemble, c’est ce qui rend le projet aussi riche et passionnant.

« Elles travaillent complètement différemment, je dois donc m’adapter de façon monumentale, c’est pas toujours facile, ça prend du temps, mais on y arrive petit à petit. »

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Au bout du compte, la récompense est double : non seulement elles fabriquent ensemble des produits éthiques et de qualité, mais en plus, Chloé a la sensation de contribuer à offrir à ces femmes un nouveau départ.

« Alors que certaines ont été violées, battues ou rejetées de leur foyer, je remarque toujours un sourire sur leur visage. Faire partie de l’atelier, c’est “revivre” m’ont-elles dit. Ici, elles ont trouvé des amies avec qui elles peuvent échanger quotidiennement et un salaire qui leur permet de retrouver leur indépendance. Il y a d’autres produits que j’aimerais lancer avec elles, ou bien avec un autre atelier, car elles sont en petit nombre et la capacité de production est limitée. Je vais devoir chercher d’autres ateliers qui fonctionnent sur ce principe. »

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Les enfants de Bombay

Venir en aide aux enfants des rues de Bombay, c’était l’idée première de Chloé, avant même de savoir dans quel projet elle allait se lancer. Frappée par la misère et par le sort de ces milliers d’enfants, si nombreux qu’on ne parvient même pas à les compter, elle a d’emblée voulu s’engager pour eux.

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« Mon idée première, c’était de pouvoir m’investir d’un point de vue social avec les enfants en Inde. C’est quelque chose qui m’a profondément marquée quand je vivais là-bas. J’ai été très sensibilisée à leur quotidien pendant l’année et demi que j’ai passé à Bombay. Jodhpur est plus protégée de la misère mais à Bombay, ça m’a vraiment transpercée, un vrai coup de massue, pourtant je voyageais depuis des années partout en Inde. Il y a tellement d’enfants des rues là-bas qu’ils n’arrivent pas à avancer un nombre. Beaucoup se sont perdus et ne savent pas dire d’où ils viennent ou comment s’appellent leurs parents. Parfois on arrive à retracer leur chemin, parfois non. Il y a aussi les enfants abandonnés et les enfants qui ont des parents mais sont quand-même livrés à eux-mêmes. »

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Bien sûr, de nombreuses associations et foyers existent, qui tentent de les accueillir, de les placer dans des familles d’accueil, de leur permettre de faire des études. Chloé travaille en partenariat avec une association française basée à Nantes, l’AFEA*, qui aide les orphelins et les enfants des rues à Bombay. L’association fonctionne soit avec le parrainage d’enfants, soit avec des dons.

« Ils construisent des foyers qui accueillent des enfants tout au long de l’année, ils les gardent jusqu’à l’âge de 22 ans pour qu’ils aient le temps de faire des études. Ces foyers sont portés par des couples qui ont souvent des enfants et qui accueillent 5 ou 6 orphelins, pour leur offrir une vie de famille. Comme j’essaie de transmettre une idée de voyage avec ma marque, je reverse 4€ par veste à cette association pour offrir à ces enfants des sorties, des voyages qui les sortent de leur quotidien. »

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*AFEA : association française enfance abandonnée.

L’aventurière aujourd’hui et demain

« Je suis rentrée en France depuis 1 an et demi mais je retourne en Inde pour chaque collection, 2 fois par an. Je supervise la production des collections durant 2 mois et demi. La difficulté, c’est que quand je suis en France, la production n’avance pas et quand je suis en Inde, la commercialisation n’avance pas. J’aimerais trouver un associé mais ce n’est pas simple de trouver une personne en mesure de s’investir autant sans rémunération. Car pour l’instant, mon projet ne me permet pas encore d’en vivre. »

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Chloé est actuellement en Inde où elle recherche de nouveaux tissus pour sortir de nouvelles vestes, elle développe également de nouveaux produits et espère pouvoir sortir une petite production d’accessoires de voyage. Pour cela, il lui faut trouver un atelier qui possède non seulement le savoir-faire qu’elle recherche mais qui travaille également en accord avec ses valeurs.

« J’ai trouvé une usine pour les sacs, mais ce n’est pas une usine qui fait travailler les gens de manière solidaire. Les salariés sont bien traités, bien payés mais ce n’est pas un atelier solidaire. J’essaie de chercher des ateliers qui répondent à ces critères-là avant de lancer une production de plus grande envergure. »

Chloé veut également faire évoluer sa façon de se fournir en tissus et faire fabriquer ses propres tissus plutôt que de les acheter sur les marchés.

« Aujourd’hui j’achète les tissus chez des revendeurs, sans traçabilité. Je veux donc me rendre dans le Gujarat, une région textile dans l’ouest de l’Inde, pour aller directement chez les fabricants et développer mes propres tissus avec des fabricants éthiques. Le but, c’est de proposer des produits éthiques humainement et écologiquement avec un engagement de plus en plus fort. »

L’Aventurière poursuit donc sa quête de solidarité et d’authenticité avec toujours plus d’idées à développer, de savoir-faire à valoriser et de belles valeurs à partager. Une façon de prouver qu’il ne tient qu’à nous de transformer une douce utopie en un projet bien réel, vecteur de beauté et de liberté retrouvée.

Porter une veste l’Aventurière, c’est emporter tout ça avec soi, ce mélange de résilience, d’ailleurs et de bienveillance.

 

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Crédits photos : Chloé Pommeau

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