Nous sommes les prisonniers d’un monde normé et limité qui entrave notre liberté. Mais nous sommes aussi des esprits libres d’explorer, dans ce monde normé et limité, le champ du possible.

La liberté est toujours un rapport au monde. Ce que nous sommes libres de faire est fonction d’éléments qui nous sont extérieurs : lois de la physique, normes sociales, volonté d’autrui, hasards heureux ou malheureux. Autant de choses qui ne dépendent pas de nous et sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir.

Mais la liberté, c’est aussi un rapport à soi. Nos propres limites, nos propres peurs nous contraignent aussi sûrement que le monde extérieur. Nos envies, nos besoins, nos valeurs, ce que nous pressentons comme bon, sont autant d’éléments qui nous poussent à agir, à exercer notre liberté.

Ainsi, je pourrais penser que je ne suis pas vraiment libre puisque je ne peux pas voler. Pourtant, ne pas savoir voler ne m’empêche pas de me déplacer, de voyager et de choisir où je veux aller. Et d’ailleurs, même si je pouvais voler, il me faudrait tout de même exercer ma liberté pour choisir une destination : voler, oui, mais pour aller où ?

La vie, au fond, c’est peu comme un jeu vidéo. Elle nous impose un univers plein de contraintes et de règles que l’on doit nécessairement respecter pour pouvoir participer. Si on ne respecte pas ces règles, notre liberté ne peut pas s’exercer, on ne peut pas jouer. En respectant ces règles, en les acceptant, on gagne la possibilité de s’en servir pour agir sur tout le reste, tout ce qui n’est pas prédéterminé : choisir une direction, définir son objectif, décider de saisir ou non une opportunité, continuer tout droit ou bifurquer, créer des liens, rencontrer quelqu’un ou avancer seul. Une infinité de possibilités dont aucune n’est tout à fait bonne ou tout à fait mauvaise.

Alors comment savoir ? Devant la panoplie de vies disponibles et autorisées, comment choisir ? Comment s’affranchir des autres pour inventer sa propre route ? Comment ne pas laisser le monde nous enchaîner ? Et comment exercer sa liberté sans nuire à autrui ?

Car il n’y a pas de liberté solitaire, toute liberté exercée a des conséquences sur le monde, sur les autres. La liberté, c’est aussi une responsabilité. C’est pourquoi beaucoup préfèrent s’en remettre à la fatalité, à une sorte de destin déjà écrit qui nous affranchirait de toute imputabilité : c’est pas moi, c’est le destin.

Pourtant, en matière de liberté, nous n’avons pas le choix. Elle est en nous. elle est là, quoiqu’on fasse et quoiqu’on ne fasse pas. Il n’y a pas de fatalité, c’est nous qui écrivons notre chemin à mesure que nous avançons. Et si nous n’avançons pas, c’est encore un choix, une preuve de plus de notre incompressible liberté.

Alors quitte à être désespérément libre, autant en abuser, n’est-ce-pas ? Autant explorer, tenter, oser, révolutionner, changer, se libérer de ses peurs ou même se servir de sa liberté pour rendre d’autres gens plus libres. En gardant toujours à l’esprit que la liberté est contagieuse. Quiconque se libère démontre à tous que c’est possible.

(c) Il faut toujours abuser de sa liberté, Paul Eluard.